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La lisière de l’enfance

Nombre de joueurs: nombre d’ateliéristes YAKSA

Age (mental): 7 ans maximum

J’ai toujours aimé les jeux de société. Et même aujourd’hui, j’y joue encore car c’est dans le jeu où reviennent en moi les émotions refoulées que j’exprime par des fous rires, titillée par mon esprit de compétition.

Mais alors quels sont les compagnons de jeu idéaux ? Des amies que j’aime pour leur côté enfantin justement. Elles se fichent du regard des autres, sont fidèles à elles-mêmes, sont curieuses de tout, même des interdits.

Maintenant que je vous ai parlé de mon goût pour le jeu et présenté mes amies, je vous invite à jouer avec moi. Quel est le but ? Atteindre le pays de l’enfance.

Choisissez d’abord avec quel pion vous voulez jouer. Vous êtes libre d’endosser n’importe quel rôle : un géant, un elfe, une brouette ( pour les Monopoly lovers), une fée des bois, une sorcière, un hibou, un paysan. Il est important pour gagner le pays de l’enfance d’être libre de choisir qui on veut être.

Maintenant que vous vous êtes décidés, vous pouvez poser votre pion à côté du mien. Lancer le dé pour lancer les hostilités. Qui sera le premier à arriver à la lisière de la forêt ?

1, 2, 3 nous irons aux bois. Me voici sur la case 3 :

« Vous êtes confinés chez vos grands-parents pendant 8 semaines. Que faire pour ne pas tomber dans l’ennui ? »

Choix n°1 : Vous décidez de rentrer chez vous au risque de vous prendre une amende de 135 euros. Vos grands-parents sont gentils oui, mais vous n’allez pas rester 2 mois chez eux. Qu’est-ce que vous allez bien pouvoir faire ? Vous préférez la connexion Internet aux discussions avez Papy et Mamie et aux rangements du grenier. Si tel est votre choix, vous pouvez dire au revoir au pays de l’enfance ! Ce jeu n’est pas fait pour vous, vous pouvez abandonner la partie. 

Choix n°2 : Vous ne cédez pas à l’abattement et à l’ennui ! Il y a tellement de choses à faire chez Papy et Mamie ! Ce n’est pas la Grande Côte qui va vous faire peur. Relancez les dés, vous êtes prêts à continuer !

4, 5, 6, cueillir des cerises. Case 6.

Choix n°1 :  Vous voici donc chez Papy et Mamie. Comment ne pas commencer la journée par un petit (ici, entrez au choix thé ou café)? Papy est parti nourrir les chevaux et Mamie vient prendre le ( (ici, entrez au choix thé ou café) avec vous. Vous entamez la conversation. Mais Mamie n’entend pas très bien et vous perdez patience. La discussion ne dure pas longtemps. Pour votre manque de persévérance, votre tour est sauté.

Choix n°2 :  Vous discutez avec Mamie pendant 1h30. Vous faites fi de sa légère ( ?) surdité et vous la laissez parler, même si elle radote un peu. Mais ce qu’elle raconte est passionnant. Elle vous parle de la guerre, de son enfance dans le Nord, de vos cousins et vous quand vous étiez petits. Ce flot de paroles vous emmène peu à peu dans de douces rêveries. C’est super ça, vous êtes ravi de parler de votre enfance et Mamie aussi !

7, 8, 9 dans mon panier neuf. Vous êtes décidément abonné au chiffre trois. Tiens, ça me fait penser au cheval de Troie…

Choix n°1 : Papy vous montre la collection de vieux livres de son frère décédé. Vous n’en avez que faire de sa passion pour l’Iliade et l’Odyssée. N’aurait-il pas d’autres livres plus contemporains à me conseiller ?

Choix n°2 : ça y est, vous êtes parti pour une grande épopée ! Tous ces récits de héros et de chevaliers vous ramènent en enfance, lorsque vous lisiez par grandes gorgées. « On pouvait pas te sortir d’un livre, tellement tu étais plongée dedans ! » rappelle Papy. C’est vrai ça, avant, vous lisiez des romans d’aventures, des histoires rocambolesques d’espions et de sorciers… Et maintenant, vous lisez surtout pour vos études de Lettres. Fini le temps où on lisait ce qu’on voulait ! Quand même, les livres de Papy vous donnent bien envie de replonger dans vos livres de fantasy favoris. Vos efforts portent leurs fruits ! Regardez le sourire qui se dessine sur le visage de Papy !

10, 11, 12, elles seront toutes rouges. Rouges comme les visages de vos petits cousins tout essouflés.

Choix n°1 : Vos cousins d’issus de germains qui habitent dans le coin vous proposent de jouer avec vous. Quel jeu organiser ? Vous ne vous sentez pas l’âme d’un boute en train…

Choix n°2 : Un jeu dans la cour ? Mais quelle bonne idée ! Vous proposez un petit parcours en vélo avec des obstacles. Vous installez des planches sur lesquelles il faut rouler, des plots pour faire des slaloms… Chic alors ! Les cousins s’amusent comme des petits fous ! Vous passez tout l’après-midi dans la cour. Vous prenez vous aussi du plaisir à participer. C’est là que vous vous rappelez quand vos grands cousins, maintenant adultes, organisaient le même jeu pour vous occuper. C’est super cette initiative ! Vous êtes prêt à devenir le babysitter le plus sollicité du village !

C’est bon, vous êtes au bout de votre aventure ! Félicitations, vous voilà arrivés à la lisière de la forêt.

Les mots bleus.

La chanson intégrée.
Les mots bleus.
Il est six heures, le réveil a sonné depuis longtemps et j’ai du mal à sortir du lit. Les rêves sont encore présents, collent à mon corps engourdi. Au clocher de l’église le quart d’heure a sonné. Je m’étire, attention à la crampe qui menace ces temps-ci ; surtout ne pas tendre la cheville et garder les orteils et le pied à angle droit. Le chat ronronne près de moi. Il pose sa patte veloutée sur ma joue et bâille. Je pose ma main sur sa fourrure et je sens ses poils sous mon nez. Son odeur de chat que j’aime.


Tout à l’heure, je passerai dans le square où les dahlias, les asters, les arums, toutes les fleurs poétisent en silence. J’aime beaucoup cette expression. Elle n’est pas de moi. Mais c’est vrai que leurs images colorées imprimant nos rétines rappellent quelques vers des poésies de nos chansons d’enfance ou de jeunesse « comme un p’tit coqu’licot mon ange comme un p’tit coqu’licot » « j’ai descendu dans mon jardin pour y cueillir du romarin » « mon amie la rose me l’a dit ce matin »

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Hippolyte-Hentgen ; Kaléidoscope.

1er octobre 2018.

Saisie devant le seuil, je vois comme un kaléidoscope pour enfants. Un Jeu, une fresque peinte pour enfants de grandes tailles. Qui monte à l’échelle ? Qui est en bas ?
Seraient-ce des broderies ? Un travail à quatre mains pour un espace ludique.
Des fragments de Bande Dessinée, des gros plans, des détails agrandis : les premiers pas de Mickey, ses premières silhouettes. Ce livre d’images se déroule comme sur une bobine de cinéma : une histoire sans histoire.
Y aura-t-il un début et une fin ?
Hippolyte et Berger.
Chaque « vignette » de drap jaune, vert, rose…reçoit qui une résille noire, qui un tricot au point mousse, en maille anglaise, un autre un tissu coloré en forme d’étoile, qui une image tramée comme issue d’impression de journaux, tous cousus piqués à la machine.
Pourra-t-on en réaliser une tapisserie murale ou de sol ?
En suivant les pointillés et « en évitant les projectiles qui se font fort de partager une femme en deux morceaux dans le sens de la taille », vous prendrez le temps de crocheter, de coudre, d’assembler, si vous tombez sur la case violette à la treille fleurie ou bien de tricoter si vous tombez sur la case jaune où se rencontrent les cœurs.
Tissus, tricots et couture sont-ils typiquement gestes féminins ?
Les bruits et les mouvements sont ceux de la machine qui pique et coud ; des bras qui soulèvent les coupons de toiles colorées ; des aiguilles qui cliquètent ; des mains qui étirent fils et ourlets ; des doigts qui assemblent ; des ciseaux qui crissent et qui découpent ; des voix qui choisissent, qui rient, qui négocient, qui décident, qui se taisent ; des regards qui se souviennent, qui relisent, qui photographient, qui agrandissent, qui attendent dans l’atelier des artistes.
Que montre le doigt ?
Comment entendre ce qui ne parle pas ? Cette famille est-elle croyante ou athée ? Comment réagir face à l’inconnu ?
Si vous effacez la mémoire : tous les tabous, œuvre, mode, à quoi ressemblerait sa prochaine œuvre ?

Pour entendre ce qui ne parle pas, pour montrer du doigt ce qui ne se voit pas, pour sentir ce qui n’a ni odeur ni texture
Cet espace pour sourd, cet espace pour aveugle, cet espace pour hémiplégique
Cet espace vers un inconnu, sans aucune notion de temps ni d’appartenance :
C’est la Création Artistique.

Espace Saint-Cyprien, Patrice Couget, Terra Ma(d)re, janvier 2019

C’est une œuvre arrondie et creuse, en forme de haricot ou de rein

L’extérieur est craquelé, éclaté par endroits, la terre cuite porte des fissures, sa panse tailladée est granuleuse, de fines déchirures tournicotent et déforment la surface. Grise, marron, orangée par endroits, elle peut prendre selon l’éclairage des teintes bleutées.

À sa surface se dresse une branchette à plusieurs rameaux où un homoncule s’emmêle à une brindille tordue. Son regard porte loin, surveillant les éléments depuis sa micro planète en orbite autour du soleil-Crâne blanc. Capitaine du vaisseau, il surveille aussi la température de cuisson de la terre.

L’intérieur est lisse et doux, creusé patiemment, affiné, caressé, destiné à recevoir un bijou précieux, un trésor, la photo d’une personne aimée, un mini carnet de pensées poétiques, des gouttes d’eau de source. Il abrite aussi des êtres infiniment petits, légers et mobiles qui fatigués de danser, se blottissent sur des lits de laine bleue posés dans des refuges de terre émaillée et pailletée d’ocre.

Joëlle    

l’horloge de la gare

l’Horloge de la gare

Je suis une vielle dame respectable.Il y a plus de 100 ans qu’on m’a installée là.Au vu de mon poids, de mon importance, on a construit pour moi un grand bâtiment blanc, imposant.
Je ne suis pas tout à fait au cœur de la cité mais idéalement pas trop loin du centre.Le cœur de la cité c’est pour mes collègues,les cloches qui carillonnent. Moi, je suis silencieuse.
Je marque le temps de façon précise, régulière.je suis là pour les voyageurs, je leur suis indispensable.Je les vois arriver, traînant de lourdes valises ; ils me supplient de ralentir, mais je suis inflexible,et l’heure fatale arrive….
Je suis un repère, un fanal dans la ville, le lieu de rendez-vous ; j’en ai vu des amoureux se retrouver, je les ai couvés ; j’ai vu des échanges comme ceux du bon coin depuis quelques années….
Je domine, je surplombe les cohues de travailleurs matin et soir. Aux heures creuses il y a peu de trains, je laisse filer le temps ; alors je me souviens :
J’ai été filmée en gros plan, mes rouages, l’avancée inéluctable du temps. C’est même arrivé à plusieurs reprises, je peux dire que les plus grands acteurs et metteurs en scène sont intimes avec moi !
Harold Lloyd, géant du burlesque muet dans safety last par exemple ; Dernièrement ma présence a même écrasé les autres protagonistes, il faut dire que l’acteur n’était qu’un enfant mais le metteur en scène Martin Scorsese m’a beaucoup filmée, et en gros plan !
Je déteste particulièrement qu’on m’appelle maintenant « analogique », à l’heure de l’électronique ça veut dire anachronique.
Je trouve scandaleux,que maintenant on n’apprend plus aux enfants à dire il est midi moins vingt mais ils lisent sur leurs portables 11h40;je ne comprends pas que mes régleurs,mes employés SNCF,laissent faire !
Je ne suis plus l’unique,celle vers laquelle se lèvent tous les regards en attendant un rendez vous, en allant prendre le train des vacances ;
Ils nous promettent une belle jeunesse avec ces enfants, incapables de se repérer dans le temps grâce à mes deux aiguilles élégantes, complémentaires qui se déplacent le long de mon cadran…
Des cristaux de quartz prétendent me remplacer ! Ils se multiplient et que fait- on, je vous le demande,pour l’écologie, préserver les ressources naturelles ?
Quand il n’y aura plus de quartz moi je serai là, fidèle au poste, prête au service, inusable !
Moi j’existe de façon intrinsèque. Je suis. J’ai été posée la, la je reste au dessus de l’agitation du monde,pas question de carrière ni de promotion. Je suis la, à ma place.Aucune promotion n’est envisageable quand on a un poste comme le mien !
J’ai toujours marché, le temps ne s’arrête jamais.Je ne me déplace pas, les autres voyagent pour moi.Je les regarde aller et venir, s’agiter, partir en voyage. Pour quoi faire ? Est ce que le temps passe plus vite ailleurs ?
Je me déplace dans l’espace temps avec les jours qui rallongent au printemps par exemple.
Je ne connais pas la solitude ; il y a tous ces gens qui m’admirent depuis le sol, ces regards levés sur moi. Je vous l’ai dit, je n’ai pas voulu aller en centre ville, encore moins avec les collègues des aérogares. Mon destin est d’être unique.
Quant au bruit, vous ne trouvez pas qu’il y en a assez dans une gare ?
A quoi servirait d’être une horloge parlante si vous étés inaudible?Les annonces SNCF aujourd’hui, les sifflements des trains à vapeur autrefois, suffisent a assourdir les gens. Je sais qu’il y a des horloges en ménage avec des cloches, avec des sonneries stridentes et même avec des robots téléphoniques. Les uns seront obsolètes avant moi, les autres ne seront conservés que par nostalgie….
Si j’avais un bourreau, ce pourrait être la rouille et l’usure du temps. Si un jour on cessait de m’entretenir, de me graisser, de régler mes engrenages, je perdrai de ma puissance. Je l’imagine la rouille, attaquant certaines petites pièces,essayant de briser une dent,ébréchant un arbre à cames. Fidèle à ma mission, je continuerai mon travail, mon devoir avec mes aiguilles plus lourdes à déplacer, plus lentes a parcourir leur course.
Car, voyez vous, ignare, ce que vous appelez 2 traits noirs noirs mobiles s’appellent des aiguilles. L’une plus courte marque les heures pendant que sa grande sœur court plus vite pour indiquer les minutes. L’une prend 12 heures pour un tour de cadran,l’autre le parcourt en 1 heure.
Ainsi je tricote le temps. Pas à pas , de façon régulière ; un rang, ou plutôt un tour dure toujours une heure. Maille à maille, un ouvrage de dame, vénérable et durable.Le temps va en mailles endroit, jamais en mailles envers ; c’est le fil d’argent de la vie que je tisse en jersey, en chevrons pour les petits mousses, pour tous des les nids d’abeilles, des points de riz, et pour les vieux loups de mer des torsades et côtes anglaises.
File la laine, file les jours.

barbe bleue raconté par les objets

Je suis du plus bel indigo.Perdu au milieu de mes frères,je rêve d’un destin unique.Au lieu de quoi,je suis là, dans cette barbe touffue; Jamais le barbier n’a un regard pour moi,alors que je sais que mon bleu est plus intense que celui de tout les autres.
Je vis sur les joues d’un géant, fier de la couleur de sa barbe.Il est riche, il est puissant.Sa fortune lui a permis de marier quelques filles de bonne famille, l’une aux yeux cobalt, une autre parée de turquoise,l’autre un peu fleur bleue, une qui avait le blues,une cordon bleu,la dernière parfumée à la lavande….j’en ai compté 6 : six belles ecchymoses,6 peurs bleues,6 disparues ;
Aujourd’hui, il a joué du rasoir,des petits ciseaux,nous a parfumés.Il se marie, le ciel est azur,et la petite mariée, la 7eme, a posé sa menotte prés de ma racine, a caressé mon bulbe ; j’espérai d’autres ébats, mais il l’a laissée là, et nous sommes partis,morbleu, vers la ligne bleue de l’horizon…..

D’ébène et d’argent,dérobée, je suis fermée…close, nul ne doit m’ouvrir, je garde le secret.
Je suis la servante obéissante d’un maître complice.J’ai une mission strictement confidentielle, close, mystérieuse,silencieuse.Mon mystère est ma force.Je les attire, les fascine.
Il leur confie à toutes la petite clef de la curiosité et de l’interdit .Et je les vois venir vers moi, m’enduire de cire, frotter mes ferrures et essayer de glisser un œil dans la serrure.Je leur chante mon appel muet :» viens voir ce que je cache,ce qui t’es interdit »
Celle ci va de porte en porte, me caresse le chambranle, introduit la petite clef de la connaissance puis repart…je sais que tu ne résistera pas à la tentation….

Ma vie c’est courir, aller et venir.Je parcours les artères, les vaisseaux du cœur et des poumons, des petits orteils à la jugulaire et je marche, véhicule,roule !
Je me suis échappé de six corps exsangues, pendus par les cheveux.Certaines avaient le sang bleu, d’autres se faisaient du mauvais sang, mais toutes se sont vidées, hémorragiques, ou goutte à goutte….Je ne coagule pas, il me faut du sang frais ; Je veux du flux, je veux m’étendre, me répandre, m’amplifier, embrasser d’autres globules.
J’ai taché la petite clef d’or, une gouttelette a suffit!Elle frotte, savonne la tâche, révélatrice de sa faute. Je reste, rouge carmin incrusté sur l’or.
Il va rentrer, me verra et fera couler le sang…Sanguinaire à mon service il va l’égorger dans le cabinet ou je pulse, ou j’attends…j’entends les battements du cœur de la femme, son sang qui s’affole dans la carotide gonflée….

Tour d’angle du château, je domine. Je n’ennuie, il ne se passe jamais rien dans ce plat paysage ; je vois le seigneur partir, revenir, je vois de jeunes épousées entrer et ne jamais ressortir. Avec l’échauguette et le chemin de ronde on n’a plus rien à se raconter.L’escalier hélicoïdal lui en voit des choses se passer en bas, tout en bas;il nous raconte, des crimes, des cris mais on ne le croit pas- ça sa saurait-
Depuis peu des pas précipités, une respiration haletante arrivent jusqu’ici par l’escalier. Une jeune femme échevelée s’appuie aux créneaux, elle appelle de façon rituelle sa sœur, une certaine Anne.
l’autre répond, elle ne voit rien venir ; nous on le sait que rien ne se passe ici sur cette morne plaine!mais ça fait un peu de mouvement sur les mâchicoulis….
Mais voici que pierre à pierre une histoire va se construire ; nous voyons arriver au grand galop notre seigneur. Jour à marquer d’une pierre blanche, il monte jusqu’ici.
Il porte un long couteau, c’est à ce moment exact que le sœur dit voir venir des cavaliers.
Pont levis, abaisse toi, douves laissez passer, il va y avoir du mouvement !
Qui sait peut être entrerons dans la prospérité dans ce paysage ou seul le soleil poudroie et ou l’herbe verdoie.

le feu

Je suis le feu ; je suis sauvage, j’accepte parfois d ‘être apprivoisé ;
Je suis celui qui a vu grandir le monde et l’humanité.

A la naissance du monde, j’étais là. J’étais là dans l’incandescence du soleil,dans la lumière des étoiles.
Je suis le feu initial,indompté,au cœur du magma terrestre ; parfois j’éructe.

Je suis le feu ; j’ai veillé sur la petite enfance du monde.
J’ai été le feu sauvage des grands incendies qui les a fait fuir.
Je me suis laissé saisir pas l’intermédiaire du frottement du silex, du bois.
Je suis le feu des cavernes qui a éloigné les bêtes sauvages,a réchauffé Homo sapiens.

Je suis le feu qui a vu grandir l’homme.
Le feu violent qui a ravagé leurs villes de bois et de paille,la foudre qui les a terrorisés.
Le feu qu’ils ont voulu expliquer, moduler de leur croyances:
Prométhée, le vol du feu aux dieux,les forges de Vulcain,les démons de l’enfer,les langues de feu de pentecôte, les bougies, Hanoucca, la purification par le bûcher pour les sorcières et les hérétiques….

Je suis le feu qui accompagne l’age adulte de l’humanité.
●Le feu sauvage du Vésuve qui ravage et conserve sous la cendre;
Le feu sauvage qui fait souffrir les grands brûlés,qui séduit les pyromanes,fait courir des risques aux pompiers;celui qu’on croit apprivoiser et qui soudain tue,coup de grisou.

●Je suis le feu domestiqué,celui qui les réchauffe et les éclaire :

Je suis le feu du travail : culture sur brûlis,forgerons, souffleurs de verres,potiers, charbonniers…

je suis le feu qui nourrit:cuire à petit feu,à l’étuvée, crépiter,griller les châtaignes,odeurs de caramel et de pain grillé.
Je suis le feu des loisirs:contes et confidences au coin du feu de cheminée,feu de camp, feu de joie de la saint Jean,celui des coups de soleil des vacances,feu d’artifice.

●Je suis le feu des images symboliques:péter le feu,avoir le feu au cul,être tout feu tout flamme,le feu aux joues,la petite flamme,il n’y a pas le feu au lac,à feu et à sang,il n’y a pas de fumée sans feu….

Je suis le feu qui sera encore là quand l’homme sera mort.
j’ai présidé aux immolations en Inde,j’étais présent pendant l’holocauste, et je suis là maintenant qu’ils organisent des funérailles avec crémation, qu’ils répandent les cendres de ceux qu’ils ont aimé.

Je suis le feu éternel.
je resterai avec l’air qui m’alimente et me transporte, avec la terre que j’habite au cœur et qui parfois m’étouffe, avec l’eau qui parfois me domine et que je peux faire partir en fumée.

Je suis le feu considérable,brasier puissant,laves incandescentes.
Je suis le feu minuscule,légère étincelle volatile,feu follet fugace.

autour de l’escalier

Goré, de belles demeures coloniales à flanc de côte atlantique.
Au plus bas, coté océan pas d’escalier, pas de marches ; un plan incliné glissant, couvert d’algues putrides.
Porte sans retour.
Coups de butoir des vagues, grouillement des rats.
Des tonneaux noirs, visqueux engrangés là; il fait noir, il fait humide.
Porte sans retour.
Des objets accumulés dans le noir, comptés, mesurés, richesse entassée.
Parfois un navire ; cris perçant le silence, allers /retours en pirogue.
Déchargement ;
Embarquement.
Porte sans retour.
De longues files,descendues du niveau supérieur, têtes baissées, bruits de chaînes ; ce ne sont pas des hommes, juste de la marchandise échangée.
Porte sans retour, voyage sans retour.

Juste surplombant le quai,béant,inquiétant,un escalier étroit. Voûtes cintrées,angles saillants ; aucune lucarne,air étouffant,noir virulent,espace descendant vers les entrailles.
Néant,chiendent,entassement,grincements de dents…
Langages poignants, gémissements…
Des graffitis mordant le salpêtre.
Parfois des chants, des onomatopées :les murs, les marches en sont tremblants.
Les noms sont inexistants de ces prisonniers frissonnants, un seul matricule infamant pour les différencier.
Leur chant lancinant…
Leurs pleurs dissonants…
Cachot, violence,et ce mot justifiant l’esclavage : argent,argent,argent….

Au rez de chaussée, coté cour la lumière est un peu plus présente.
La cour est rectangulaire, 2 portes noires sur chacun de ses cotés ; quelques marches usées pour descendre aux pièces de l’office ; la porte est la seule ouverture de ces pièces.
Travailler, travailler ;
Balayer, nettoyer ;
Cuisiner, servir, se taire,surveiller, punir.
Balayer la cour sous le soleil de l’après midi,
Porter des seaux d’eau tirée du puits.
Suer, souffler, ne pas s’arrêter, ne pas se laisser distraire, ne pas trébucher sur les marches .
On a pu monter de l’infâme étage inférieur ; on a pu revoir la lumière, mais à quel prix ?
Trimer, œuvrer,bosser,besogner,servir, exécuter,peiner,supporter, accepter pour ne pas redescendre.
« s’ious plaît Maîtresse », « oui M’dame », « merci Monsieur »….
Ravaler ses larmes, apprendre une autre langue ;
Subir le joug,la tyrannie, ne jamais se plaindre ;
« oui Maître », » tout de suite Maîtresse »….
Les marches, un jour ont vu un maître, un blanc, venir parler d’abolition, d’émancipation, d’injustice ;
Cela ne s’est jamais reproduit
D’autres marches ont vu un maître trousser la petite servante sans qu’elle ne puisse rien dire.
Cela s’est souvent répété.
Il y a les marches savonneuses et glissantes de la laverie ;
Les marches acérées, arêtes saillantes de la forge ou sont fabriqués les fers, les chaînes ;
Il y a les marches évasées par milieu des cuisines, usées à force d’être lessivées.
Il y a Paulette, Josette, Ginette qui cousent près des marches pour essayer de capter un peu de lumière ; pas le droit de s’y asseoir.
Il y a Philobert, Camille, Dieudonné qui portent des fardeaux, coupent le bois, transpirent au soleil ;
iI y a des Arafan,Coumba,Bintou,Toumani qui ont du répondre à un autre nom.
Il y a des ombres qui font marcher la grande maison, qui glissent sur les marches, qui n’ont plus de passé, n’auront aucun avenir et ont perdu toute identité.

Au milieu de la cour, majestueux, un bel escalier à double révolution permet d’accéder aux appartements.La haut calme et opulence.

L’escalier d’honneur a des marches en marbre de Carrare ; elles sont larges et pas trop hautes pour que ces dames puissent y monter sans efforts ;
Elles sont immaculées, aucune trace de poussière ne doit souiller robes et jupons sur les trajets pour se rendre à l’église.
Les courbes harmonieuses du garde corps ne sont point trop hautes ; elles doivent permettre de voir ; Voir les tenues des illustres personnages qui fréquentent ces lieux.
En haut de l’escalier, une galerie ; elle permet l’accès au salon de réception,largement ouvert sur la mer;car ici ce n’est pas l’océan sauvage mais la mer et le clapotis des vagues ;
Une légère brise fait voler rubans et dentelles.
Parfois un mouchoir de batiste choit sur une des marches ; un galant homme le ramasse et l’offre délicatement à une jeune fille rougissante ;
Monsieur et Madame de la Martinère reçoivent souvent.
On danse, on grignote, on complote.
Il fait chaud, cela se passe dehors, sur la galerie, sur les marches, qui permettent une subtile hiérarchie ;
On traite des affaires, on se plaint de l’Afrique,( jamais ne sont évoqués certains sujets qui concernent le sous-sol de la maison).
Par l’escalier, intérieur et extérieur communiquent dans un va et vient incessant :
De légers pieds ont à peine effleuré les marches dans un doux froufrou de jupes ;des chaussures de cuir blanc, immaculées les ont franchies d’un pas assuré ;des chaussures à lacets, rigides et noires des ecclésiastiques les ont régulièrement empruntées ; des souliers vernis de jeunes gens les ont gravies 4 à 4; Des mocassins hésitants, craquant des coutures, des godillots militaires, des bottes martiales d’un général, des souliers de bal, toutes ont eu ce privilège.
Marches nettoyées, polies, très tôt le matin par les pieds nus d’en bas afin d’être prêtes à accueillir d’autres visites.

Goré s’est endormie lorsque cette époque a été révolue ;
Des historiens, des architectes sont venus ;Ils ont étudié, nettoyé, dessiné,soigné les passages, les escaliers,les murs de la maison ;Des hordes de touristes montent et descendent les marches de l’histoire ;
Ils s’exclament ou se recueillent sur le passé inscrit dans les murs de pierre ou de terre.

se perdre…

Pourquoi vouloir se perdre ?
On essaie de se protéger,
Mais l’homme reste nu.
La verticalité demeure un danger.
Seul l’oubli, la somnolence perdurent.
Mémoire fœtale, mémoire du petit homme,
Broussaille origine du monde,
Goutte de pleurs du lait maternel.
S’endormir au sein de la forêt protectrice.
Cacher vos blessures.
A l’orage du temps, aux vagues des tempêtes,
Même affaibli, craindre la verticalité.
Pas de soumission au soleil.
Quittez la gangue de l’enfance,
Laissez l’oiseau en vous se déployer.
Le sexe, l’amour, votre chemin de croix
Sans espace libre, dégagé.
La nudité vous révèle.
Vous chercherez à vous perdre à nouveau
Serein, dans cette nature aux couleurs fanées.
La rose emblématique du renouveau,
L’amour libre…
Ne plus se reconnaître
Dans un flou noir d’aiguilles sombres,
Mémoire de vos racines sauvages,
Explosion du souvenir de votre jeunesse,
Douceur, tendresse, harmonie et
Le doux écho du bruissement des arbres.
Vous êtes belle, vos yeux étincellent.
Toute la nature frémit et renaît.
Vos corps s’enlacent
Pour se perdre dans la luxuriance.
L’homme se mêle à la terre
Tout cela, pour crier au monde :
« Je ne suis qu’un corps »

En binôme, Anne Tournadre – Philippe Courtemanche
Texte écrit sur l’exposition au Château d’eau : » Shane Lavalette et Nolwenn Brod ». (Mars 2017)

le tiroir du centre culturel

Le tiroir du centre culturel

septembre 2016

compte rendu médical :

à l’auscultation :

pas de pathologie notoire

mobilité :

l’appareil loco-moteur semble fonctionner harmonieusement,bien que l’on perçoive quelques raclements pour lesquels des investigations seront peut être nécessaires

anatomie :

le patient présente une longue barre stomacale que l’on peut saisir lors de la palpation ;

teint blanchâtre mais homogène sur tout le corps

réactions sternutatoires quand on lui demande d’ouvrir la bouche ;

signes cliniques à l’origine de la consultation :

Le patient sep plaint d’être parfois surchargé avec risque de débordements tels que vomissement ou de diarrhées.
anamnèse :

a vécu dans une fratrie de 6, tous identiques ; a subi la pression de puînés arrogants qui a suscité un sentiment d’écrasement

diagnostic,thérapeutique :

on donnera un traitement allopathique car le patient réside dans un lieu public,ou il est confronté à de nombreuses manipulations ; on prescrira des séances de kinésithérapie en cas d’humidité et de manque de souplesse dans les articulations.

 

 

point de vue écolo:

Il a été fabriqué il y a de longues années, en pin issu de forets locales,gérées durablement.

il est peint ; la peinture blanche du vingtième siècle doit contenir des oxydes de titane ; pas de plomb !

Il est inclus dans un meuble mural, surmonté de placards en aggloméré ; ceux ci bien sur toxiques, colles, plastiques,présence de COV seront à éliminer dans des déchetteries spécialisées, (on peut en effet craindre des traces d’amiante dans le revêtement de l’aggloméré).

Une poignée métallique pour l’ouverture ; elle est en aluminium,métal au bilan carbone négatif;l’aluminium peut être remplacé par de la céramique, résistante et neutre écologiquement.

Ainsi, le meuble pourra servir encore longtemps,il serait regrettable de s’en débarrasser pour le remplacer par du Ikéa, reconnu comme pollueur et par ailleurs avec une politique du personnel non éthique !

Il est nécessaire de faire comprendre au directeur du centre social que le recyclage est devenu une nécessité, que la course en avant du toujours plus technologique est une hérésie dans un monde ou les ressources sont limitées ;

Dans peu de temps,du fait du réchauffement climatique les tiroirs en bois seront appréciés pour leur qualités d’isolation thermiques !

 

plaidoirie

Messieurs, Mesdames les jurés, Monsieur le président ;

permettez moi de vous parler de la vie de mon client afin de vous aider à statuer en toute connaissance de cause sur cette situation délicate.

Ce tiroir est venu au monde dans une famille honnête, quoique assez ordinaire, j’ai nommé la famille Formica !

Il a grandi dans un lieu public ou il a travaillé avec vaillance,effectuant consciencieusement sa mission,protégeant courageusement ce qui lui était confié ;

Il a mené une vie régulière,glissant sur ses charnières quand on le lui demandait,ne sortant jamais du droit chemin.

Vers la fin de sa carrière un traumatisme : je veux parler de placards coulissants qui ont été placés au dessus de lui, oui vous avez bien entendu, messieurs les jurés au dessus de lui, et qui l’on écrasé de leur supériorité ; que croyez vous qu’il fit?il a simplement, humblement poursuivi sa mission en s’occupant de tâches mineures, protégeant le petits objets.

Voilà qu’a la fin d’une vie de dévouement on l’accuse de violence !

Il aurait pincé un doigt !

Qu’il me soit permis ici de m’étonner que le dossier d’instruction n’ait pas poursuivi l’interrogatoire des autres tiroirs, témoins directs de cette affaire !

De ce fait, je demande que soient audiencées ces personnes, ainsi que tous les mineurs présents le jour du drame !

En effet, messieurs dames les jurés des enfants ont raconté que la victime était très agitée,peut être même peut-on qualifier son comportement d’hyper actif !

Je subodore que cet enfant ait provoqué l’accusé et ses proches en les ouvrant et refermant d’un rythme infernal !

Comment s’étonner que dans un moment d’étourdissement mon client ait pu malencontreusement pincer un index ?

Monsieur le président, je vous demande de reporter cette affaire,l’instruction ayant été notoirement insuffisante;dans l’état actuel de la procédure, il n’est pas possible de juger sur le fond et la forme ;

Messieurs et mesdames les jurés je vous prie de bien vouloir considérer une longue vie de services rendus,d’acquitter ce tiroir et refuser de l’envoyer à la déchetterie !