Archives de l’auteur : marie.c

je suis

Je suis le doute
Entre l’ombre et la lumière
L’eau et puis la terre
Ma peau a chaud mon cœur frissonne
L’horizon est flou et moi-même je ne me sens pas très bien
Je reflète une eau vague de lumière
La main posée devant ma réalité, je rêve.
Je suis le rêve
Transparent et éphémère
simple bulle de lumière
Reposant sur les bras de la terre
Au creux d’une branche endormie de tous je suis à la merci
Image imaginée d’un instant, déjà passée,
L’horloge du temps s’est arrêtée.
Je suis le temps
Tictaquant silencieusement
Je dépose la poussière
Dans les failles du passé
Sur un tronc déjà coupé
Le vent comble le vide
Le bois se fend d’un sourire
Pour peut-être oublier.
Je suis l’oubli
Qui a joué, qui a gagné ?
La courte paille traine encore, lasse dans l’escalier
Oubliée la chute, les échardes, les araignées
Les marches se sont tues
Et le silence est tombé.
Je suis le silence
Et je voudrais crier
Le « non » accusateur qui cherche la culpabilité
Les feuilles dans les arbres n’osent plus trembler
Je voudrais me libérer
un souffle résonne dans l’air
Avec comme seul mot liberté.
Je suis la liberté
Gigantesque toile d’araignée
Aux doigts, bâtons effilés
Jamais je ne fléchirais
Enracinée sur la jetée
Je regarde la marée danser
Indestructible le vent passe sur moi sans jamais me briser
Je suis seule à résister
Solitude est mon bouclier.
Je suis la solitude
J’erre entre ombre et lumière
Vivante au milieu de l’immobilité
Je me déplace sans trouver où m’ancrer
le poids sur mes épaules pourrait me faire plier
Je suis épiée et je doute…
Je suis le doute.

25/11/15 inspiré par l’exposition de Manuela Marques (galerie du château d’eau jusqu’au 3 janvier) et l’air du temps.

par la fenêtre

visage-couché

Cette nuit le temps s’est arrêté à midi, je me suis mise à la fenêtre et j’ai vu des anges de pierre installer des hamacs de fils dorés sur les colonnes des monuments. J’ai vu les vagues de la mer se figer, j’ai vu le temps suspendu, la ligne noire du passé se mélanger avec la bande noire du présent pour tracer une figure éphémère dans le ciel blanc. J’ai vu un homme assis à son bureau dans une salle de classe tourner inlassablement la même page d’un livre tandis que les marches en pierre qui mènent à la butte s’étaient métamorphosées en escalier mécanique. Sur la montagne la neige fondait et le sommet levait la tête. Et puis j’ai tourné la tête et j’ai vu sur la table les maillons d’une chaine cassée et deux verres, un papier et un chandelier, je t’ai imaginé dans l’ascenseur et j’ai vu un bateau sombrer, sans survivant, aucun.

Que reste t-il, que nous reste t-il de ce temps ? Des papiers déchirés, la gueule de bois après la fête, tout n’était-il que faux semblants ? Comme cette colonne posée au milieu de la pièce qui ne soutient rien, qui transperce le plafond, qui nous avait donné l’espoir qu’elle grandirait sans rencontrer d’obstacles. Comme cet arbre mort posé sur le sol dont tu avais encadré la photo verticalement te plaisant à répéter que l’important n’était pas la mort de l’arbre mais la manière dont on le regardait. Nous avons écrit l’histoire de A à Z, le milieu nous appartient. Il nous faudra du temps pour réparer, pour ravaler le temps passé qui nous a abimé. Il nous faudra du temps pour agripper un à un les barreaux et remonter la pente. Le cadre n’a pas bougé, c’est la photo qui est tombée. Il nous faudra du temps pour effacer les traces du temps. Cette nuit le temps s’est arrêté et je me suis mise à la fenêtre. J’ai vu des gens, des vagues et puis des champs qui s’agitaient inutilement, j’ai vu des choses sans queue ni tête, renversées, renversantes. J’ai vu un jour de fête et l’effondrement d’un monde. Ce qui est cassé ne pourrait être réparé et puis un voile blanc est tombé et je n’ai plus rien vu du tout. J’ai fermé les yeux me débattant contre des hirondelles qui s’étaient installées dans ma tête dévastée, et en attendant que les minutes et les heures ne défilent à nouveau, j’entretiendrai ton souvenir et le jour où les mauvaises herbes repousseront je t’aurai oublié.

(inspiré d’une expo à l’espace écureuil en juin2013)

état des choses

juillet-244

L’état des choses, des tas de choses qui font monter les larmes aux yeux ou qui agacent ou surprennent ou font battre le cœur, une voix que l’on n’a pas entendu depuis longtemps, une voix que l’on connait sans savoir ce qu’elle nous rappelle.

État de choses, des tas de choses fugitives comme une caresse courant d’air qui fait frissonner la peau à peine frôler, comme se sentir être là vivant à un instant précis, tout oublier avant de se rappeler .

Des tas de choses, état des choses étalées qui agacent comme la confiance trahie, comme une promesse non tenue, comme se rappeler que l’on a oublié d’arroser les plantes au moment où l’on découvre qu’elles sont mortes.

10 ans

juillet-144

Aujourd’hui j’ai dix ans, c’est pile le jour de mon anniversaire, maman m’a promis de rentrer plus tôt du travail et de me laisser jouer à l’ordinateur. En attendant je regarde par la fenêtre, j’habite au 15éme étage dans une tour qui ressemble à toutes les autres, mais à force de les regarder je vois qu’elles sont différentes. De ma chambre je vois les 27 étages de l’immeuble d’en face et avec 34 appartements par étage, ça fait 918 appartements que je peux voir de ma fenêtre. J’aime bien regarder à la nuit tombée, avec les lumières on voit tout ce qui se passe à l’intérieur. Les gens seuls, les couples, les autres enfants qui font comme moi. Si on pense qu’il y a deux personnes par appartement je peux potentiellement connaitre 1836 personnes. Peut-être que l’une d’elles est mon père. De la fenêtre de la cuisine je vois l’immeuble bâché, là je ne connais personne puisque je ne vois personne puisqu’il est bâché, CQFD dirait, mon grand-père, je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, mais il répète ça à chaque fois que c’est évident. C’est comme si on avait emballé la vie, maman dit que l’immeuble a de la chance d’avoir droit un lifting, et qu’elle aussi elle aimerait bien !.

A midi, j’aime bien me mettre à la fenêtre de la chambre de maman qui est aussi le salon. Là je vois l’arête gris-bleu qui pointe son nez, on ne voit pas ce qui se passe à l’intérieur parce qu’il y a des fenêtres miroirs, mais du coup je vois le reflet de mon immeuble et en cas de soleil même un petit bout de ciel bleu. Tout est déformé comme si tout était mensonge, pour rigoler je dis que c’est ma prison, mais j’aime bien rester là à observer, à imaginer ce qui se passe derrière les murs. J’ai inventé un jeu vidéo grandeur nature, je m’installe dans ma chambre face à la fenêtre et je dégomme les appartements d’en face avec du papier mâchouillé, avec la salive il reste collé sur la surface transparente quand je le crache. Je n’ai le droit de bombarder que les fenêtres sur lesquelles il y a du linge qui sèche, si je me trompe je dois tout recommencer, mon meilleur score c’est 34 appartements. Du coup, les fenêtres de ma chambre sont toujours propres, car je dois les nettoyer tous les jours ! Maman aime pas me laisser seul, mais elle n’a pas le choix, elle n’a pas les moyens de me faire garder ou de m’envoyer au centre avec les autres enfants alors je reste là et je trouve des moyens de m’occuper. Il se passe plein de choses pour qui prend le temps de regarder autour de soi. J’ai déjà vu 14 chemises tombées des balcons d’en face, 4 chats, 54 pantalons et 3 hommes, peut-être que l’un d’eux était mon père. J’entends maman qui rentre, elle a un paquet pour moi, une longue vue, je ne suis pas prêt de sortir d’ici !!

dis moi pourquoi

juillet-122
 
-Dis maman, dis moi pourquoi
-Mange ta soupe et puis tais-toi
-Oui mais maman dis moi pourquoi
Quand tu s’ras grand tu comprendras
C’est des paroles de grandes personnes
Des choses qu’on dit des mots qu’on donne
Que des voyelles et des consonnes
-Dis maman dis moi pourquoi
-Plus tard tu verras tu sauras
Un jour j’suis sure tu comprendras
-Dis maman dis moi pourquoi
-Va faire ton lit et oublie ça
-Oui mais maman dis moi pourquoi
-Un jour je sais tu comprendras
Pour le moment je sais c’est dur
Comme une brulure une écorchure
L’enfance qui passe à toute allure
-Dis maman dis moi pourquoi
-Je ne peux pas te dire pourquoi
-Oui mais maman, allez dis le moi
Dis moi si un jour  il r’viendra…
-je sais pas…

ouf …

Photo-222-e1365537053138
 
Je pointe mon arme vers toi
Pour tuer le temps qui a passé
Le temps que l’on a trop regardé
A travers la fenêtre fermée
Je pointe mon arme vers toi
Pour tuer cette ville où l’on s’est rencontré
Cette ville où l’on s’est déchiré
Je pointe mon arme vers toi
Pour tuer le silence de cette petite maison blanche
Pour tuer le silence qui git dans l’escalier
Je pointe mon arme vers moi
Ça y’est tu es sauvé.

roberto juarroz

 

mer4pourquoi sommes nous ici?
ce n’est pas notre lieu.
y aura t-il un lieu pour nous
en quelque autre endroit ?
peut-être que nous définit
comme la lumière le jour,
n’avoir de lieu nulle part.
mais nous définit aussi
que nous puissions
créer un lieu.
et on ne trouve quelque chose
que dans un lieu qu’on se crée.
jusqu’à s’y trouver soi même,
s’il est possible de se trouver.

roberto juarroz (j’aurais adoré dire que c’était de moi ….)