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Le chant du galet

Le chant du galet

Toi, je t’ai aimé pour tes mouvements de va-et-vient
la force de tes élans et la sagesse de tes retraits
j’ai aimé ta voix
tantôt cristalline tantôt ténébreuse

je t’ai aimé de loin sans même le savoir
alors, le jour où cette main s’est posé sur moi
pour me jeter jusque dans tes bras,
je suis devenu si léger, si heureux
avec douceur et sauvagerie,
tu m’as fais rouler dans ton flot
j’ai aimé chaque fois où ton écume, suave et dense,
se lovait contre ma peau, dure et lisse.
j’ai aimé sentir ta masse et ton agitation
se soulever par les vents et les marées de pleine lune
je me suis surpris à penser que j’étais la cause de tes émois,
de tes frissons, de tes états d’âme.
à ma vague, mon vague à l’âme
je t’ai aimé jusqu’à te regarder d’un air vague,
aveuglé par les trémolos de tes rouleaux.
je t’ai aimé jusqu’à oublier ma nature de caillou poli
jusqu’à confondre mon histoire avec la tienne
chantant dans tes creux,
à la mémoire de l’eau, à la mémoire de notre mer
tu as ondulé sur moi
tu as arrondi mes angles
tu as lissé ma peau
à ma vague, mon vague à l’âme
si tu savais, j’ai détesté n’être qu’un parmi d’autre
un joyeux bordel d’entrelacs, ondes de chocs

moi le galet, la pierre,
j’étais tellement fasciné de tes mouvements océaniques
j’ai détesté lorsqu’une fois le vent tombé ou la marée descendante,

tu me laissais.
je ne voulais pas t’attendre
je savais qu’il te fallait te retirer, partir au large
j’ai détesté être jaloux de toi, de ta vie.
je me suis senti ridicule et honteux d’être là,
comme seul et abandonné
les autres étaient comme des étrangers
je m’en voulais d’avoir perdu
mon goût pour la communauté
et puis, il y a eu les jours de calme, les jours de froid, les jours sans toi
je me suis sentie si vide de toi
si lourd de moi
à ma vague, mon vague à l’âme
tu m’as fait goûter à la vie
à ces cycles et ses errances
et ton charme n’a jamais cessé ces influences
d’autres galets, d’autres pierres, un tas d’objets et des tas d’enfants rieurs
tu les accueillais tous, sans distinction
tu gardais tes mystères et tes secrets
dans le calme ou le vacarme
que reste-t-il de nos amours ?
des mots, qu’on les ramasse à la pelle
une encre ne se jette pas dans une vague
maintenant je me dis que tu n’étais pas « ma » vague
maintenant je me dis que tu étais vagues multiples
chacune de tes impulsions me racontaient combien tu étais déjà loin
de tes vas de tes vient
À ma vague, tu es devenu si vague
Que j’ai perdu le goût de nos rouleaux
j’ai regretté l’espace du grand large
j’ai regretté l’espace de la plage
tes bras devenant des griffes pour ma peau si lisse.
Cessant de t’aimer,
j’ai écouté en moi, tout au fond de moi,
dans mon cœur de pierre …
le souffle des voix de nos ancêtres :
les comètes