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Le temps de l’horloge.

Une cloche sonnait au loin. Pourtant, il n’était pas encore midi. C’était comme ça depuis un moment. Peut-être un rouage décalé ou quelque chose comme ça. On ne savait pas. Le seul qui pouvait savoir c’était l’horloger du village, le seul à connaître tout ces engrenages par cœur, jusqu’au plus petit écrou rouillé.

L’horloger était un beau jeune homme, grand, agile, et toujours souriant. Il vivait encore avec sa mère qui tenait une petite boutique de montres à goussets, forcément. Il avait bien songé à se marier pourtant, avec la jolie fileuse aux doigts de fée. Elle était gentille, mais comme toutes les femmes de son temps, elle ne savait pas ce qu’elle voulait, et il avait vite prit la décision de ne pas chercher pour elle. Parfois il regrettait bien un peu, si elle y avait mit du sien elle aurait été une agréable compagne, car ils pouvaient discuter de leurs passions des heures durant, et il aimait tant la voir travailler sur son métier à tisser. Ils avaient en partage l’amour du travail bien fait. Mais elle était finalement parti avec le ramoneur et son visage plein de suie. Il ne ui en gardait aucune rancœur, il avait eut plus de courage que lui.

La cloche sonnait toujours, et c’était ce jour là qu’il comptait la réparer. Avec sa grosse caisse pleine d’outils, il était monté tout en haut du clocher, là où personne d’autre que lui n’allait jamais. Il resta plusieurs minutes subjugué par ces rouages plus gros que lui. Ils avaient beau être si veux, rien n’était plus magnifique que ce spectacle aux yeux de l’horloger. La rencontre du temps avec le temps. Des vieux engrenages qui donnaient l’heure nouvelle, et ce à l’infini. L’horloger grimpa sur l’un des énormes mécanismes. Il lui faudrait surement un moment pour trouver d’où venait le problème, mais cela n’importait pas, de toute façon, c’était bien la seule chose qu’il possédait, le temps.

En marchant sur la plate-forme arrondie, qu’il avait stoppée le temps de pouvoir y travailler, il repensait bien un peu à sa vie. A son père parti, qui lui avait tout apprit. Au temps qui filait dehors. A ce qu’il ne comprenait pas toujours, les hommes et la guerre. Parfois, il songeait qu’il aurait bien aimé connaître une autre époque. Il aurait sûrement été plus à sa place. Avec une femme et des enfants. D’autres rouages dans sa vie pour un homme comme lui qui tournait en roue libre.

Il savait déjà que ce soir quand il rentrerait, sa mère aurait mit la table et préparé à diner, de la soupe de poireau ou des pommes de terre bouilles, sans aucun doute. Il n’irait pas se coucher trop tard, et le lendemain il faudrait réparer l’horloge de Madame untel ou la montre de Monsieur cela. Comme chaque jour.

L’horloger posa la main sur un engrenage qui était décalé sur son petit cylindre métallique. Il ne s’emboîtait plus dans ceux qui l’entouraient et bloquait ainsi une partie du mécanisme qui tournait alors au ralenti. Un léger sourire aux lèvres, il attrapa sa boîte à outils qui était posée près de lui et en extirpa une grosse pince un peu noircie aux extrémités. D’un geste précis, il l’encastra dans l’engrenage défectueux, puis dans un mouvement fluide, le remit en place, les yeux fermés, et entendit bientôt le petit clic de la pièce remise à sa place.

Satisfait, il rangea son matériel avec soin, et dans un coin de sa tête, c’était comme si il venait de réparer la temps, et un peu de lui même.

 

Eloïse.