barbe bleue raconté par les objets

Je suis du plus bel indigo.Perdu au milieu de mes frères,je rêve d’un destin unique.Au lieu de quoi,je suis là, dans cette barbe touffue; Jamais le barbier n’a un regard pour moi,alors que je sais que mon bleu est plus intense que celui de tout les autres.
Je vis sur les joues d’un géant, fier de la couleur de sa barbe.Il est riche, il est puissant.Sa fortune lui a permis de marier quelques filles de bonne famille, l’une aux yeux cobalt, une autre parée de turquoise,l’autre un peu fleur bleue, une qui avait le blues,une cordon bleu,la dernière parfumée à la lavande….j’en ai compté 6 : six belles ecchymoses,6 peurs bleues,6 disparues ;
Aujourd’hui, il a joué du rasoir,des petits ciseaux,nous a parfumés.Il se marie, le ciel est azur,et la petite mariée, la 7eme, a posé sa menotte prés de ma racine, a caressé mon bulbe ; j’espérai d’autres ébats, mais il l’a laissée là, et nous sommes partis,morbleu, vers la ligne bleue de l’horizon…..

D’ébène et d’argent,dérobée, je suis fermée…close, nul ne doit m’ouvrir, je garde le secret.
Je suis la servante obéissante d’un maître complice.J’ai une mission strictement confidentielle, close, mystérieuse,silencieuse.Mon mystère est ma force.Je les attire, les fascine.
Il leur confie à toutes la petite clef de la curiosité et de l’interdit .Et je les vois venir vers moi, m’enduire de cire, frotter mes ferrures et essayer de glisser un œil dans la serrure.Je leur chante mon appel muet :» viens voir ce que je cache,ce qui t’es interdit »
Celle ci va de porte en porte, me caresse le chambranle, introduit la petite clef de la connaissance puis repart…je sais que tu ne résistera pas à la tentation….

Ma vie c’est courir, aller et venir.Je parcours les artères, les vaisseaux du cœur et des poumons, des petits orteils à la jugulaire et je marche, véhicule,roule !
Je me suis échappé de six corps exsangues, pendus par les cheveux.Certaines avaient le sang bleu, d’autres se faisaient du mauvais sang, mais toutes se sont vidées, hémorragiques, ou goutte à goutte….Je ne coagule pas, il me faut du sang frais ; Je veux du flux, je veux m’étendre, me répandre, m’amplifier, embrasser d’autres globules.
J’ai taché la petite clef d’or, une gouttelette a suffit!Elle frotte, savonne la tâche, révélatrice de sa faute. Je reste, rouge carmin incrusté sur l’or.
Il va rentrer, me verra et fera couler le sang…Sanguinaire à mon service il va l’égorger dans le cabinet ou je pulse, ou j’attends…j’entends les battements du cœur de la femme, son sang qui s’affole dans la carotide gonflée….

Tour d’angle du château, je domine. Je n’ennuie, il ne se passe jamais rien dans ce plat paysage ; je vois le seigneur partir, revenir, je vois de jeunes épousées entrer et ne jamais ressortir. Avec l’échauguette et le chemin de ronde on n’a plus rien à se raconter.L’escalier hélicoïdal lui en voit des choses se passer en bas, tout en bas;il nous raconte, des crimes, des cris mais on ne le croit pas- ça sa saurait-
Depuis peu des pas précipités, une respiration haletante arrivent jusqu’ici par l’escalier. Une jeune femme échevelée s’appuie aux créneaux, elle appelle de façon rituelle sa sœur, une certaine Anne.
l’autre répond, elle ne voit rien venir ; nous on le sait que rien ne se passe ici sur cette morne plaine!mais ça fait un peu de mouvement sur les mâchicoulis….
Mais voici que pierre à pierre une histoire va se construire ; nous voyons arriver au grand galop notre seigneur. Jour à marquer d’une pierre blanche, il monte jusqu’ici.
Il porte un long couteau, c’est à ce moment exact que le sœur dit voir venir des cavaliers.
Pont levis, abaisse toi, douves laissez passer, il va y avoir du mouvement !
Qui sait peut être entrerons dans la prospérité dans ce paysage ou seul le soleil poudroie et ou l’herbe verdoie.

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