enfermement

L’enfermement

Une nuit blanche à réécrire mon texte pour mon oral…

Ce matin je suis vaseux, la journée va être rude, je dois pourtant être réactif pour ce foutu examen.
Prêt avec 20 minutes d’avance, je sors de l’appart avec précipitation mais quelque chose bloque l’ouverture. Je glisse mes doigts dans l’entrebâillement et sent quelque chose qui ressemble à un filet. J’hurle, je soupçonne les vieux d’à coté d’avoir bloqué l’escalier avec leur crainte idiote des voleurs. Personne ne répond, et au silence je perçois que je dois être seul dans l’immeuble.

Vite, les fenêtres !

Là, je me rends compte qu’elles sont bloquées par un truc informe qui tamise la lumière.

Ciseaux, briquet, coups, rien ne semble pouvoir ébranler cette masse souple mais résistante.

Une demi heure est passée, je vais être en retard pour l’exam….

Vite le téléphone pour avertir, me prétendre malade, que sais je ? Continuer la lecture

je suis

Je suis le doute
Entre l’ombre et la lumière
L’eau et puis la terre
Ma peau a chaud mon cœur frissonne
L’horizon est flou et moi-même je ne me sens pas très bien
Je reflète une eau vague de lumière
La main posée devant ma réalité, je rêve.
Je suis le rêve
Transparent et éphémère
simple bulle de lumière
Reposant sur les bras de la terre
Au creux d’une branche endormie de tous je suis à la merci
Image imaginée d’un instant, déjà passée,
L’horloge du temps s’est arrêtée.
Je suis le temps
Tictaquant silencieusement
Je dépose la poussière
Dans les failles du passé
Sur un tronc déjà coupé
Le vent comble le vide
Le bois se fend d’un sourire
Pour peut-être oublier.
Je suis l’oubli
Qui a joué, qui a gagné ?
La courte paille traine encore, lasse dans l’escalier
Oubliée la chute, les échardes, les araignées
Les marches se sont tues
Et le silence est tombé.
Je suis le silence
Et je voudrais crier
Le « non » accusateur qui cherche la culpabilité
Les feuilles dans les arbres n’osent plus trembler
Je voudrais me libérer
un souffle résonne dans l’air
Avec comme seul mot liberté.
Je suis la liberté
Gigantesque toile d’araignée
Aux doigts, bâtons effilés
Jamais je ne fléchirais
Enracinée sur la jetée
Je regarde la marée danser
Indestructible le vent passe sur moi sans jamais me briser
Je suis seule à résister
Solitude est mon bouclier.
Je suis la solitude
J’erre entre ombre et lumière
Vivante au milieu de l’immobilité
Je me déplace sans trouver où m’ancrer
le poids sur mes épaules pourrait me faire plier
Je suis épiée et je doute…
Je suis le doute.

25/11/15 inspiré par l’exposition de Manuela Marques (galerie du château d’eau jusqu’au 3 janvier) et l’air du temps.

elle est

Elle est la fraîcheur de l’eau irisée

L’immersion baptismale

La pureté virginale

Et la tentation de la dérive

 

Elle est la dérive,

Le bois flotté sur les langueurs océanes

Le friselis des vagues

Et le désir d’ailleurs

 

Elle est le désir sous le masque

Au gré de son humeur fantasque

L’appel charmeur des sens

Le fantasme de l’homme caché derrière l’arbre

 

Elle est l’arbre sacré

Le totem tutélaire

Et, dressée sur les flots,

La vigie au regard protecteur

 

Elle est le regard bienveillant

la sagesse d’antan

Ève ou Pandore

Dans le bois originel

 

Elle est le bois solide

Le tissu végétal

Résistant à l’usure du temps

Le banc vénérable ou le divin trépied

 

Elle est le trépied où les prêtres

ont déposé les graines mantiques

dans l’attente des prophéties

de la Pythie

 

Elle est la Pythie

Sibylle d’Apollon

Égrenant ses visions en bulles opalines

d’un temps à venir

 

Elle est l’avenir de l’homme

Nouvel Adam

Né de l’ onde et de la lumière

Sa fraîcheur irisée

 

La voleuse d’images

Dans la vitrine du magasin fermé de costumes de Carnaval s’activait une femme à chignon gris, à la taille empâtée, au regard concentré. Impossible de deviner que, derrière la grille ouvragée, à l’heure où finissent les spectacles et où on se retrouve pour boire un verre et commenter la soirée, elle était en train de concrétiser son rêve le plus ancien.

La femme avait été une épouse consciencieuse et réservée, une employée appliquée et assidue et une mère dévouée et discrète. Traductrice, elle effectuait son métier avec beaucoup de minutie, vérifiant chaque phrase, rendant ses copies sans un jour de retard.

Et pendant des années, son rêve avait éclos, était devenu un projet qu’elle avait nourri : elle, la femme modeste, honnête, scrupuleuse, volerait des images et en naîtrait un film. Dans la vitrine masquée par le grillage, avec son appareil photo et sa caméra, elle volait des images. Elle avait marché dans la ville, avant de trouver dans ce magasin de déguisements la matière de son œuvre. A l’approche du Carnaval, le thème de décoration était les masques de femmes. S’y côtoyaient en foule les visages de plâtre, de velours, de bois, de cuir, de plastique, de tissu ou de papier, de toutes inspirations. Le grotesque s’éparpillait au milieu de figures antiques, de doux visages soyeux ornaient de rigides mannequins de bois, l’horrible ricanait aux côtés des effigies traditionnelles carnavalesques. Cet entassement disparate fut un révélateur : la femme volerait des images de visages de femmes. Elle avait décidé assez vite que son film serait sans parole, convaincue après les avoir tellement traduits, qu’on ne peut pas faire confiance dans les mots.

De l’autre côté de la rue, un théâtre était encore éclairé. Sur le mur, une immense photo d’un visage de femme, en noir et blanc, légèrement opacifiée par le papier collé sur une paroi inégale regardait sortir les spectateurs. Ombres noires, ils avançaient lentement, sous son regard sombre. Ses yeux noircis par le khôl et ses sourcils froncés lui donnaient un air triste et songeur. Ce visage fixé au mur regardait la femme en mouvement dans la vitrine de masques. Qui pensa qu’elle aimerait capter l’émotion dans sa fugacité. La colonne en ombres chinoises qui défilait devant la photo avait cependant quelque chose d’un peu ridicule, comme si les silhouettes sortaient des narines de l’image, trop grande, trop belle, trop star.

Brusquement, la femme s’immobilisa ; deux hommes quittaient la foule, traversaient et se dirigeaient vers le magasin. Elle se dissimula entre deux mannequins et ne bougea plus un sourcil. Les deux hommes discutaient avec véhémence et force gestes des bras et des mains. Rapidement, la femme enclencha sa petite caméra et les filma, images volées.

Elle se dit qu’il lui fallait maintenant quitter les lieux, qu’elle avait eu chaud, qu’ils l’avaient peut-être repérée. Elle se glissa dans l’arrière-boutique et s’arrêta net. Deux hommes de plâtre, figés devant un damier, paraissaient avoir été surpris en plein jeu. Elle fut saisie par le réalisme de l’œuvre et glacée par sa symbolique. Les statues, de taille humaine, contrastaient par leur blancheur dans la pièce peu éclairée. Les masques et les mannequins l’avaient fascinée, les deux figures pétrifiées la terrorisaient. Et l’attiraient en même temps.

Elle se secoua, il fallait partir. Et ne pas prendre le risque de perdre toutes les images qu’elle venait de récolter. Elle avait envie de les regarder, de les combiner et de créer un récit neuf, son récit.

Elle s’éclipsait silencieusement quand elle crut entendre un « Allô, allô », furtif, faible et mal articulé. Elle se retourna et il lui sembla voir qu’une des statues parlait au téléphone : « Allô, allô, je veux sortir. » À son tour pétrifiée, elle entendit le plâtre craquer et tomber à terre par plaques. Alors, elle enclencha sa caméra. Jamais elle n’aurait rêvé le spectacle qui s’offrait à son objectif. Elle filma l’homme qui, secouant son plâtre, se levait et se dirigeait vers la porte.

« -Je ne suis pas un pion, je pars », déclara-t-il à son compagnon statufié. Elle avait capté les paroles ; elle se sentit éclater de joie. Ce serait la seule phrase de son film muet.

Flottant sur une vague frayeur, emportée par une histoire qui naissait sous ses yeux, émerveillée, elle emboîta le pas de l’homme déplâtré.

Il savait où il allait. Elle le suivit dans les sombres ruelles de la ville endormie. Il ne semblait pas se rendre compte de sa présence. Il marchait, sûr de lui, d’un pas rapide, la tête haute. Il s’arrêta un instant pour téléphoner : « – C’est moi, j’arrive, je suis tout près maintenant. » Un silence. « -Oui, dis-moi le code. » Il stoppa devant la porte d’un petit immeuble vétuste et composa le code. La femme se glissa derrière lui dans l’entrée. Ça sentait la pisse de chat et les murs portaient de vastes auréoles de moisissures. Sous une unique applique, l’escalier paraissait vermoulu.

L’homme s’engagea sur les premières marches quand la minuterie coupa la lumière.
Ce fut la dernière image du film.

Exercice d’atelier avec abécédaires…

Exercice d’atelier à partir de deux abécédaires personnels, l’un par rapport à l’atelier d’écriture, l’autre avec les mots que l’on aime…

A  amusement – amour / B bonheur – bol / C captation – cacatoès / D décrire – doux / E émerveillement – ellipse / F fête – fête / G gamin – gourmandise / H hachette- héler / I inventivité – irréel / J jouissance – juste / K koala – kaléidoscope / L lecture – lumière / M mélodie – moi / N nuances – nota bene / O opinion – oubli / P participation – passeport / Q questionnement – quoi / R richesse – road movie / S suave – sensuel / T tentation – toi / U utopie – ubiquité / V vie – villégiature / W wonderful – wapiti / X xxl – xérès / Y youpi – yeux / Z zut – zen /

Et voilà le texte :

Ce suave questionnement XXL, moi toi. Passeport utopique, sensuel, sans ubiquité pour villégiature douce. Yeux bonheur, cacatoès amusement, irréelle lumière d’un kaléidoscope de tentations, jouissance gourmande, émerveillée zen. Une vie riche, hachée de nuances, de mélodies. Captation inventive, juste. Héler les opinions, participer aux fêtes gamines. Youpi . Lecture elliptique, wonderful, décrire un road movie.

Zut, nota bene. Oublié quoi ? Ton bol de xérès, mon koala! mon wapiti ! mon amour!

 

Atelier Bonnefoy/Mai 2015

Philippe

MUR MURS – Extraits de la collection de Brigit Bosch et Patrick Meunier Centre d’art Le LAIT Albi

Il a vécu en Normandie, mais il n’est pas né en Normandie. Ces potes aimaient le taquiner sur sa bouille ronde, sa démarche très droite, quasiment raide, sa chevelure « Viking », en fait un vrai anglo-normand.

Le jour de ses cinquante ans, parmi ses nombreux cadeaux, celui qui fût son préféré, une boîte de Camembert en bois de peuplier !

Très vite il comprit la référence aux nombreuses boutades de ses amis sur son côté Normand en lui offrant l’emballage d’un produit nutritif qui a fait la renommée de la Normandie. Mais son émotion fut au comble quand il détailla la décoration peinte sur le couvercle. Une scène d’Afrique de l’Ouest, au loin en arrière plan une médina, puis au premier plan, deux femmes, l’une voilée, l’autre pas, comme installées devant un étal de tissus avec une grosse marmite où l’on prépare le tajine.

La vue, les odeurs, les couleurs, tout son univers, tout ce qui l’avait construit pendant ses années passées dans le Sud Marocain avec sa première épouse.

Quelques jours plus tard, après cette fête anniversaire, il avait extrait de ses malles d’expéditions africaines, l’ancien carnet intime de son épouse berbère aujourd’hui décédée. Une grande femme élancée à la chevelure crépue, aux lèvres épaisses et au torse menu, curieusement pour une femme du Maghreb.

Ce carnet intime recouvert d’une fine feuille de métal, peinte par elle-même dans des nuances noires et grises, comme de longs branchages verticaux et au centre une feuille en forme de bouche, rouge écarlate, la reproduction de ses propres lèvres.

C’était d’ailleurs le seul objet qu’il avait conservé après son décès du à une maladie foudroyante.

Aujourd’hui il se décide de l’exposer à côté de ce couvercle de fromage. Deux enveloppes bien différentes, l’une de matière périssable, l’autre de paroles immortelles.

En posant ce livre intime de Noémie, il ne feuilleta pas les nombreuses pages du récit de sa vie, ce qu’il avait fait de maintes et maintes fois après sa disparition. Heureux de pouvoir rester là en contemplation sur la jaquette de cahier et le couvercle au logo de « la vache qui rit » 50% de matière grasse !

Tout cela paru si normal, ce cadeau d’anniversaire, cette nouvelle recherche vers ce cahier intime objet de sa bien-aimée disparue.

Et du coup, maintenant il prenait plaisir à faire les brocantes en quête d’objets.

Ses pas le conduisirent un jour, vers Lille, sa ville de naissance, à la fameuse grande braderie de Septembre.

Peu de choses à acheter, sauf un coup de cœur pour une lithographie, sous la forme d’une affiche, œuvre d’un artiste contemporain. Elle représentait divers articles de la presse locale comme cachés, minutieusement grillagés de rectangles en petites touches de taches d’encre de chine diluée, ne laissant que de petites cases où seuls quelques mots restaient lisibles comme 49000 dollars, 2 600 000 chômeurs, studio à louer, Lille, étudiant.

Rentré chez lui il décida que cette acquisition accompagnerait ces deux autres pièces déjà exposées.

Lui l’homme qui avait su en tant qu’étudiant choisir la discipline de l’anthropologie et avait eu la chance d’aller à la découverte du monde et particulièrement de l’Afrique septentrionale lui qui a cherché à aller toujours au-delà des murs, des barrières, voir derrières tous ces masques, burqas, tchador, et autre hijab. Il a toujours souhaité connaître plus intensément les humains qu’il croisait, au cours de ses voyages, au-delà de sa fonction, il voulait connaître leur vie leur sentiment et surtout celui des femmes, dont Noémie qui elle, n’a jamais voulu se voiler pour sa religion, mais aimer son homme en toute tranquillité et si fortement.

Bien plus tard encore dans un déballage de son quartier d’une bourgade normande où il habitait, quelle ne fut pas sa stupeur de découvrir suspendu à un fil, un gros cube en bois, avec sur l’une des faces, au centre une peinture naïve, réaliste en perspective d’un écran de réveil matin numérique où était indiqué le

jour et le mois du décès de Noémie. Paul aurait donné une fortune au gamin qui vendait cet objet conceptuel, dont il ignorait sûrement la valeur et qu’il céda, ravi pour 5.

Pierre se précipita chez lui accrocher ce mobile près de sa collection.

Les années qui suivirent, il essaya vainement de prolonger cette collection. Tout ce qu’il trouvait comme objet enveloppé, enfermé, bouclé, cloitré, coffré, mis sous clef ou claquemuré aurait pu le séduire.

Mais quel objet pourrait l’unir à nouveau au souvenir des caresses de son épouse.

Mais quel objet l’abreuverait comme l’eau si douce de ces baisers.

Mais quel objet lui ferait penser aux paroles suaves et aux chants d’amour glissant de la bouche de son aimée.

Alors il se mit en quête d’acheter toutes les cassettes vidéo « vhs » qu’il trouvait sur les souks au cours de ses nouveaux périples au Maroc.

L’espoir impossible de trouver sur l’une de ses tournages de leur vie commune, puis abandonné à leur dramatique séparation, l’espoir que sur l’une de ses cassettes mal réutilisées à la recopie frauduleuse d’un film, sur la bande magnétique un peu de l’image et du son de Noémie seraient encore inscrits.

Et si miraculeusement cela arriverait, il installerait un auditorium pour passer en boucle sur grand écran, au milieu de sa collection, ce film témoin de leur amour.

 

 

Atelier d’écriture YAKSA

Philippe

printemps

Printemps ; Les oiseaux s’animent à l’aube et réveillent les dormeurs embués, tout encore à leur songes nocturnes. Les forets de rêves s’épaississent, s’étiolent et disparaissent tandis que l’éveil s’étire. Le réveil retentit, comme une alerte pour le dormeur, qui lui rappelle qu’il doit abandonner le monde des songes et s’activer dans le réel. La jeunesse du jour offre un petit répit aux amoureux du sommeil, qui s’octroient encore quelques minutes entre deux aires, fondus de sommeil et d’éveil, comme une éclipse, rare moment du quotidien où les choses ne sont pas là ou elles doivent être. Le salaire des dormeurs, c’est ce tout petit moment, suspendu, parenthèse, fusion d’un espace temps réel et irréel, image sans dessin, sans contour, image chaude dont il ne restera rien dès lorsqu’un pied sera posé au sol, juste une sensation, et un concept, celui du répit, la gourmandise autorisée, comme une douce musique qu’on se rappelle à nos oreilles, réconfortante. Vivement demain matin.

 

hiver sur l’océan

Crépuscule maritime, palette de gris,

L’océan au loin, parfum iodé ;

L’embouchure de l’Aulne en hiver à marée basse, l’aber envasé ;

Herbes folles sous le vent, oyats de la dune, juste la à mes pieds ;

Les hêtres ont perdu leurs feuilles, le vent les a semées ;

Tout est gris sauf le lierre parasite.

Au loin un petit bois moutonne au bord des rives du cours d’eau qu’on devine au pied de la colline.

Un navire épave gît, presque couché sur le flanc, dans l’étreinte douce et gluante des limons putrides.

Le ciel est balayé de nuages effilochés, pressés. Les embruns marins fouettent mon visage, cils perlés de sel.

Un goéland cisaille l’air ; son cri rauque trouble le silence du cimetière des bateaux.

 

Oyats de la vallée sous le vent,

Hiver échoué,

Branches fantômes,

Goéland, griffure du ciel ;

Abandon onirique.

 

Yveline 8 décembre 2014 ;

expo Dieuzaide/Doisneau

 

Photos :Canal saint Denis novembre 86
Jardin de la derbie 84
Elle avait quitté Paris ; son immeuble du 19eme en briques sombres, effrité, le linge étendu aux fenêtres qui ne sèche pas…
Elle avait quitté l’agitation urbaine, le grincement du métro, les remugles des égouts ;

Laissé derrière elle le Paris des canaux :
Canal saint Martin et ses goélands,
Canal de l’Ourcq, ses banlieues et ses peupliers,
Canal saint Denis et ses lourdes péniches.

Toutes ces années elle avait vu ces péniches sur les eaux troubles ; monde d’hommes au travail, rude, monde en noir et blanc, immuable.
Il y avait eu Tchernobyl, et les péniches passaient;
Il y avait eu le mur de Berlin et les péniches passaient
Surtout il y avait eu une nuit de mai place de la bastille…..
Grande vague d’espoir et de fraternité…..

Puis était venu le désenchantement, le repli individuel, la consommation de masse ;
On avait commencé à faire la guerre au tabac, ces gitanes qu’affectionnaient les mariniers qu’elle regardait travailler aux écluses…..
Alors, elle était partie, loin au sud ;
Avait abandonné le monde géométrique pour la rondeur…..
Elle habitait encore un immeuble de brique au bord de l’eau mais la brique était dorée l’après midi et rose au couchant ;
Allongée sur un banc, bercée par le clapotis du Tarn, elle se remémorait sa vie parisienne ;
Elle baignait dans le parfum subtil de la vigne en fleurs porté par la brise ;
Elle était pieds nus, un bras sur le visage, hors du temps ;
Le vent soulevait sa jupe en une caresse sensuelle ;

Au dessus d’elle une statue masculine, figée dans une draperie de pierre veillait ;
Elle semblait dire que le temps ne s’efface pas au soleil…..

Yveline janvier 2015

La forme d’une ville change plus vite hélas, que le cœur des humains

 

C’est ce qu’est devenue ma ville :

Une banlieue sans chlorophylle ;

 

Quand j’étais petite fille agile

j’allais dans les carrières, indocile

pour ramasser des fossiles ;

 

Notre pavillon, banlieue ouvrière,

une sente qui sentait le lierre

Dans les maisons, des voisins aventuriers

Il me semble que c’était hier…

 

Adolescente, avec les autres filles

En RER nous allions à Bastille

Paris nous écarquillait les pupilles

On méprisait le jardin et ses jonquilles.

 

Dire qu’on habitait cette ville

C’était avouer qu’on venait d’un exil

Campagne, cité et bidonville

On aimait le futile, ce qui rutile ;

 

J’ai grandi, quitté la ville dortoir

Elle a enflé comme une poire

Immobilier, coups de boutoir

et a connu son heure de gloire ;

Les champs divisés en parcelles

identiques, piscines et balancelles

au gré des rues impersonnelles

Je ne sais plus rien d’elle….

Comme une tentacule,

J’avance, elle recule,

Les habitants pullulent.

 

Il y a bien longtemps, j’ai quitté Montfermeil,

J’y ai gardé des souvenirs de soleil,

La maison de mes éveils,

Et des liens qui sont restés pareils.

 

Prés des Pyrénées, à Toulouse,

J’ai choisi mon coin de pelouse,

Mon projet, mon mode de vie,

Mon équilibre, je dis merci.

 

Yveline fevrier 2015