enfermement

L’enfermement

Une nuit blanche à réécrire mon texte pour mon oral…

Ce matin je suis vaseux, la journée va être rude, je dois pourtant être réactif pour ce foutu examen.
Prêt avec 20 minutes d’avance, je sors de l’appart avec précipitation mais quelque chose bloque l’ouverture. Je glisse mes doigts dans l’entrebâillement et sent quelque chose qui ressemble à un filet. J’hurle, je soupçonne les vieux d’à coté d’avoir bloqué l’escalier avec leur crainte idiote des voleurs. Personne ne répond, et au silence je perçois que je dois être seul dans l’immeuble.

Vite, les fenêtres !

Là, je me rends compte qu’elles sont bloquées par un truc informe qui tamise la lumière.

Ciseaux, briquet, coups, rien ne semble pouvoir ébranler cette masse souple mais résistante.

Une demi heure est passée, je vais être en retard pour l’exam….

Vite le téléphone pour avertir, me prétendre malade, que sais je ?

Pas de réseau sur le portable, pas de tonalité sur le fixe et l’ordinateur refuse de s’allumer.

J’ai beau me pincer, je suis bien réveillé, serait ce le stage en milieu psychiatrique qui m’a rendu dingue ?

Bon, du calme Paulo ; j’ai déjà hurlé, tempêté. J’ai couru partout affolé.

Asseyons nous, essayons de réfléchir.

Il n’y a personne dehors, j’en suis sur. Qu’a-t-il pu bien se passer ?

Si la centrale avait explosé j’aurai entendu quelque chose, je n’ai pas fermé l’oeil.

Il n’y avait aucune affichette du syndic, pas de lettre dans ma boite.

Je suis seul au monde, enfermé dans mon T2

ATTENDRE….

A midi je grignote quelque chose mais sans faim…

Je compte mes provisions, conserves, congel, frigo…il n’a y presque plus de café, qu’en je pense que j’ai jeté celui de ce matin, stressé par ce foutu examen !

Le temps me semble long, particulièrement dense ; naturellement la radio ne fonctionne pas !

La nuit arrive, je sens que je deviens claustro…

 

Jour 2 : pareil, rien n’a changé ; pas pu dormir ;

Ils me m’auront pas, je dois m’organiser pour ne pas devenir fou.

Me rationner pour la bouffe, lire pour m’occuper.

 

Jour 2 : rien de nouveau.

Le plus difficile est cette impression de blanc : aucun bruit extérieur, pas d’avions, pas de voitures, pas de chants d’oiseaux ;

Pris de médocs pour dormir un peu.

 

Jour 4 :j’ai entrepris d’écrire dans ce cahier ce qui me passe par la tête.

Josiane, j’aurai du lui demander…pas osé, ou est elle ?

J’ai ouvert une boite de haricots la date limite est dépassée mais quelle importance ?

Mourir intoxiqué ou à petit feu, enfermé, seul….

 

J10 : je n’ai pas d’heure ; l’horloge du four s’est éteinte, ainsi que celle du portable ; jamais voulu avoir de montre.

Et si Poutine avait envahi l’Europe ?je n’ai pas voulu de télé, peut être qu’ils en on parlé aux infos, que ça couvait…

Plus de PQ, heureusement que l’eau coule et qu’il y a de vieux journaux, se torcher avec Libé….

 

Déjà un mois, me semble t il. Si toutefois je ne me suis pas trompé dans les bâtons que j’aligne sur le mur chaque soir au coucher de soleil.

Et oui, il est toujours là dehors le soleil ;

Moi, je suis comme un prisonnier dans des oubliettes ;

Je suis dans une oubliette

Oubliette du temps, de l’espace…

Je me rappelle petit devant les oubliettes d’un château ; ou était ce ? Au Mont St Michel ?

Pourquoi ne viennent ils pas me chercher ?

Pourquoi personne ne se soucie de moi ?

J’ai faim ; Mange ton poing disait maman ; c’est une bonne maladie qu’elle disait aussi ;

Maman, je suis si seul, maman, je suis si triste !

Les amandes d’Andalousie commencent a être pleines de mites ; heureusement que j’avais ce stock que j’avais oublié de porter cher Pierre.

Changement climatique peut être ?

Si je pouvais comprendre !

Plus de médocs.

 

J40 : au cathé on parlait du quarantième jour, je sais plus pour quoi c’était ?

Je me rappelle ce film sur le jeûne, ces gens qui ne se nourrissaient plus ; moi j’ai si faim, je me sens si faible !

Apres la révolte, après l’apathie, allongé sur le sol je plane au dessus de mon corps.

Mon esprit est léger, il va pouvoir franchir cette putain de barrière….laisse toi aller…

Et merde! Le lacher-prise pas possible, au moment ou j’ai pensé pouvoir m’évader j’ai réintégré mon corps, prisonnier, faible, sale. J’ai si froid !

Abandonné, seul au monde !

 

 

Le jeune Paulo, stagiaire à l’hôpital psychiatrique Saint Anne avait été choqué par l’enfermement dans le système de la santé mentale ; camisole chimique et camisole de force le révoltaient ; son rapport de stage reposait sur la thèse que cet enfermement provoquait des troubles encore plus invalidants et que les chances de guérison étaient inversement liées à la durée de l’hospitalisation.

C’était quelqu’un de posé, de sensé, quoique un peu trop réservé et qui, pour cause de timidité avait perdu l’amour de Josiane.

On ne sait pas pour quelles raisons il a été le seul survivant quand le village de Nujac les Mines a été soudainement rayé de la carte.

En juin 2075 de façon soudaine ce village n’existât plus : Plus aucun signal informatique, plus de maison, plus de signe de vie, comme si rien n’avait existé à cet endroit.

Personne ne savait ce qui avait bien pu se passer, les familles des personnes disparues avaient créé un comité de soutien, le gouvernement avait ordonné une enquête parlementaire, de nombreux chercheurs, des charlatans et des religieux fanatiques s’étaient déplacés, avaient émis des hypothèses, mais rien n’avait pu être expliqué.

 

D’après ce qu’on savait, Paulo, seul dans son appartement, avait perçu le manque total de bruits, mais rien qui puisse expliquer comment cela avait pu arriver.

Il avait réussi à s’organiser pour ne pas sombrer dans la folie ou le désespoir dans cet isolement complet.

Il avait raconté qu’il s’était trouvé un matin enfermé dans son appartement comme si celui-ci était pris dans une masse flexible mais inébranlable.

Ce jeune étudiant avait eu le réflexe de limiter sa nourriture, de tenir un journal, ce qui lui avait permis de garder un pied dans la réalité.

Il avait noté ses désespoirs, ses périodes d’abattement, de violence, ses errances mentales.

Il semble qu’il ait pratiqué certaines techniques de yoga ou de sophrologie qui lui ont certainement permis de résister.

Il avait réapparu 10 ans après que Nujac ait été avalée, prés du monument du souvenir construit là ou avait été un village.

Il avait son journal à la main, sur lequel il relatait de longues périodes de jeune total.

On a eu beaucoup de difficultés à accepter son histoire.

Peu de gens se souvenaient de lui.

Il avait gardé une allure juvénile comme si les 10 années passées dans cette bulle spatio-temporelle n’avaient pas compté pour lui.

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