Un paysage…

 

T3

 

 

C’est un paysage doux comme la peau de ton dos, violent comme cette statue d’homme nu sans tête. Silencieux comme le vol d’un oiseau aux ailes déployées, joyeux d’avoir bu sous une voûte étoilée, un bol d’air frais jusqu’à plus soif, et froid comme une larve flottante dans une résurgence d’eau glacée. C’est un paysage muet comme un ver luisant parcourant la ligne de crête d’une montagne de sable, bavard comme le bruit incessant des stalactites sur la roche d’une cavité ancestrale aussi vide qu’un amas d’empreintes de fumée dans le sillage d’un poisson. Toi le paysage tendre comme des flocons de neige accrochés à un arbre et aussi chaud qu’un désert bleu sans aucune trace de vent. Toi le paysage dur, aux veines écrasées, lacérées comme une corde râpée, sombre comme ce vieillard endormi avec barbe et chapka, adossé à un rocher. Et toi, ce paysage, gueule d’alligator remplie d’os à peine ingurgités, triste comme des lignes tracées dans la boue au fond d’une crevasse, bruyant comme des vertèbres fracassées sur une falaise abrupte. Vous mes paysages qui me hantaient et accompagnaient mes insomnies, je vous aime.

Philippe/ Atelier Bonnefoy/ Février 2014

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