Procrastination

tiroirs bois14/01/2013

 

 

Lucie pénètre chez elle et ôte machinalement son manteau. Dans ses mains, une lettre qu’elle décachette avidement. Elle a reconnu l’écriture : Paul, son ami d’enfance. Dans l’enveloppe, une photo jaunie les représentent tous deux à 18 ans dans le jardin de grand-mère. Ils se tiennent par le cou et sourient radieux à l’objectif. Derrière le cliché trois mots : « Que deviens-tu ? ». Aucune signature mais les dix chiffres d’un numéro de téléphone.

 

Elle soupire, s’affale sur le canapé. Oui, elle va l’appeler. Trop longtemps qu’ils ne se sont parlé. La dernière fois qu’ils se sont vus ? Voyons, il y a cinq ans peut-être, pour l’anniversaire de Chloé en Bretagne…Ah non, il n’était pas venu, voyage d’affaire…Alors quand ? Il lui semble capital de s’en souvenir mais elle n’y arrive pas…Elle ressent une irritation qu’elle ne comprend pas. Après tout, c’est sa faute, il n’a jamais été très disponible. Elle non plus…

 

Un choc:elle se souvient. C’était au printemps 2005. Sept ans déjà ! Il était venu à Toulouse et l’avait contactée. Ils avaient passé la soirée ensemble et beaucoup parlé.Paul l’avait encouragé à refaire sa vie. Il avait ôté ses lunettes et rapproché son visage du sien :

  • Lulu, ma Lulu, tu dois prendre soin de toi. Essaie de rencontrer un compagnon de route…Je n’aime pas te savoir seule.

Elle avait murmuré :

  • Mais je t’ai, toi, mon meilleur ami.

Elle se souvient de son doux regard de myope posé sur elle :

  • Tu l’as dit, je suis ton ami et compte bien le rester. Mais tu sais bien que ce n’est pas pareil.

Il avait remis ses lunettes et s’était reculé. Fin de la conversation.

 

Lucie pousse un nouveau soupir. Oui, elle va l’appeler, lui dire qu’elle ne regrette pas ses choix, seulement la chaleur de sa présence. Elle se dirige vers le téléphone…qui se met à sonner. Transmission de pensée ? Elle décroche, le cœur battant.

  • Ah, c’est toi, Myriam… Non, non, tu ne me déranges pas…Les soldes ? Ben oui, pourquoi pas ? Écoute, dans une demi heure place du Cap’ devant le Mac Do ? O.K. J’arrive.

Elle raccroche et enfile son manteau. Son regard glisse sur la photo posée sur la table basse. Demain sans faute, elle l’appellera. Demain…

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