Page 132 et suivante (suite)

Un matin froid de décembre, Élodie marche d’un pas peu convaincu en direction de son bureau. Elle a perdu son entrain et sa bonne humeur depuis longtemps – quelque part sur ce trajet d’ailleurs. Rien ne va travail : ses collègues ne lui parlent presque plus – une sombre histoire de cul travestie en grande romance en est la cause. Ses contacts extérieurs la boudent : elle n’est pas assez réactive selon eux. Son chef ne sait plus quoi en faire : elle semble perdue dans un univers qui la dépasse.

Bien sûr, elle est seule en ce moment ; ses copines partent en week-end romantique quand elle se contente de la énième rediffusion de « Buffy contre les vampires ».

Lorsqu’elle passe le portillon du 10 rue Auguste Blanqui, elle soupire profondément.

Dans la cours intérieure, personne.

Le vent passe lentement en sifflant entre des colonnes qui sont en fait des lampadaires. Elle traverse cet endroit aride – pas d’arbre, pas de fleurs – et s’aperçoit que sur l’une des colonnes-reverbères, il y a un livre.

« Quelqu’un l’aura oublié. »

Elle s’en fiche. Élodie est de ceux qui laissent les objets perdus là où ils sont, selon la théorie du « on les retrouvera mieux ainsi ». A-t-elle tort ou raison ? Ce ne sera pas son problème principal de la journée.

A 10h20, son chef la convoque dans son bureau ; il la fait passer dans la petite salle de réunion attenante. Et quelque chose de très désagréable se passe. Il lui indique qu’ils vont devoir cesser leur collaboration. Qu’elle doit se renouveler, chercher ailleurs des cieux qui lui conviendront mieux. Elle n’a pas grand chose à répondre. Elle croyait avoir fait des efforts, elle se rend compte que c’est un peu faux. Elle sort de la salle de réunion, flottant autour d’elle-même, au bord du malaise ou de la nausée.

Elle a un préavis d’un mois dans son contrat.

A dire vrai, elle n’a même pas envie de traîner ici jusqu’à Noël. Elle va prendre des congés, il lui en reste cette année (c’est aussi ça, le dernier célibat d’une bande de copines).

Elle ne reviendra pas demain : c’est ce qu’elle déclare à ses collègues de bureau.

Personne ne lui dit quoi que ce soit. Timidement, en partant, son ancien amant lui adresse un vague « Bon courage. On s’appelle. »

« Génial… » se dit-elle, alors qu’elle s’entend parfaitement articuler à voix haute « Oui, bien sûr ! »

Lorsqu’elle a fini de ranger ses dossiers – c’est vrai qu »il y en a peu –, il est déjà 19h00. C’est la première fois depuis des mois qu’elle part aussi tard.

Sur le seuil du bureau, elle a comme une impression étrange : elle est soulagée. Il est temps de quitter définitivement cette pièce, son silence et ses persiflages…

Le bureau reste vide.

Dans la cours pavée, personne. Toujours le vent qui siffle. Les lampadaires en forme de crayons de lumière, plantés dans la nuit. Et sur, l’un d’entre eux, une petite masse qui frissonne dans les courants d’air.

Le livre.

Élodie aurait juré qu’il n’y était plus à midi. Intriguée, elle l’attrape. Il est pesant, froid et il empeste ce parfum de papier si particulier – entre le rance, le thé et la cendre… Un vieux livre… Ses pages sont légèrement cornées à force d’avoir été tournées, le fil des pages mousse et s’effrite sur le bout des doigts, sa couverture est craquelée.

« L’opéra des enfants »

La couverture propose juste ce titre, et un symbole indéchiffrable – une sorte de rune.

Le nom de l’auteur, présent uniquement sur la tranche, est complètement barré par une longue pliure qui s’élargit en de nombreuses ramifications serrées, tant et si bien qu’on n’arrive plus à le déchiffrer. Élodie se fait la réflexion que ce n’est vraiment pas de bol pour lui.

Et puis un coup de vent vient la percuter.

« On se gèle ! »

Elle enfourne le livre dans son sac à main sous prétexte qu’il ne manquera à personne, se serre dans son manteau et quitte définitivement le 10 rue Auguste Blanqui.

 *

Élodie a de la chance. Elle n’a pas de loyer à payer. Il y a deux ans, elle a hérité de la maison de sa grand mère.

La maison en question se situe en banlieue, comporte un joli petit jardin sur rue, un étage assez clair et un rez de chaussée pour la réception. La cuisine est bleue, le salon aussi, la salle à manger est verte. Il y a quelques problèmes de normes électriques mais rien de grave. Tout marche.

Voilà donc où Élodie rentre, heureuse que le décès de sa grand-mère l’ait rendue propriétaire, et de ce fait, moins vulnérable suite à sa perte d’emploi. Bon, elle ne le formule pas comme ça, mais au fond… Au fond, elle se dégoutte. Elle se sent détestable. Ça lui fait mal, et elle s’excuse en envoyant une prière à sa grand-mère.

Elle pose ses clés dans le vide poche de l’entrée ; au-dessus, un miroir la regarde fixement. La fille qu’elle voit ne lui plaît pas. Elle lui tire la langue. A défaut de lui donner des claques.

Pour se changer les idées, en cheminant vers le salon, elle fait un tri rapide des factures trouvées dans la boite aux lettres. Au milieu, une carte postale de sa mère, envoyée du Sénégal, où elle est récemment partie en voyage de noces. Fantastique. Maman espère que sa petite chérie ne se sent pas trop seule et fait l’éloge de son tout nouvel époux. Lasse, Élodie lâche son sac à main comme un poids mort à côté du canapé, dans lequel elle s’effondre à son tour, toute engoncée dans son manteau. Tout en s’en extrayant gracieusement, elle allume la télé. Ah, mauvais signe : « Recherche de la nouvelle version de firmware. » Cinq minutes plus tard, toujours le même message. Buffy, ce ne sera pas ce soir.

Elle se lève pour aller se faire un thé à la cuisine, bute dans son sac, et râle. Le livre montre le bout de son nez entre son portefeuille et un paquet de kleenex.

Plus tard ! Là, elle doit téléphoner. Elle met de l’eau à chauffer puis attrape le combiné. Pas de tonalité.

« Mais c’est pas vrai ! »

Une panne d’internet, le jour où elle se fait virer, c’est juste la goutte d’eau. Elle éclate en sanglot dans la cuisine en balançant le téléphone – ce qui est idiot : il n’ y est pour rien, et en plus, dans son sac, il y a son portable, caché par le livre…

Elle reste à sangloter dans la cuisine jusqu’à ce que l’eau soit chaude. Elle se rend compte qu’elle ne veut pas vraiment de thé, mais s’en fait quand même un. La tasse à la main, elle part sécher ses larmes dans le salon. Elle bute encore dans son sac en allant s’asseoir et renverse un peu de thé sur le livre. Machinalement, elle le sort du sac et l’essuie avec un kleenex. Pourquoi a-t-elle récupéré ce truc ? Encore un machin qui va finir… au recyclage ? De quoi, ça parle d’abord ? Qu’est-ce qu’en dit la quatrième de couverture :

« Lorsque la sirène retentit le 4 janvier, personne ne réalise tout de suite, sauf Frand. Ce n’est pas le premier mercredi du mois, pourtant, les alarmes de la protection civile résonne dans toutes les villes de France. Un conflit vient d’éclater. C’est dans ce monde en guerre que Frand va grandir, avec ses amis, les enfants du conflit. »

« Voilà qui promet d’être joyeux ! »

Insensiblement, pourtant, Élodie commence à lire. Ça ne lui était plus arrivé depuis… le début de ses ennuis au bureau. Elle en oublie son téléphone portable et sa panne internet, ses sanglots, et la grosse masse d’angoisse et de honte qui pèse sur son abdomen.

Le thé refroidit sur la table basse pendant qu’elle plonge dans l’histoire des enfants du conflit.

*

Il est une heure dix sept du matin. La télé recherche toujours une nouvelle version de firmware. Le thé a cessé de fumer dans sa tasse depuis longtemps déjà. Toutes les lumières sont toujours allumées, et Élodie dort.

Elle a lu.

Quelques minutes. Plus d’une heure… Puis… elle a perdu le fil et au fil du temps qui passait, les pages se tournaient aisément. Elle marchait dans les rues avec les enfants, elle leur soufflait « attention » quand la milice pointait son nez, elle croisait les doigts pour eux quand ils faisaient de grosses bêtises.

Elle a lu… aussi longtemps que lui ont permis ses paupières, gonflées par ses larmes. Elle s’est assoupie, le livre sur le cœur et dans sa tête, les voix des enfants qui disaient : « Écrivons-les ! – Oui, ce sera le journal des rêves, c’est une bonne idée. »

Après cette phrase, elle avait tourné la page, et s’était trouvé nez à nez avec une réplique de la rune de couverture. Ses motifs complexes semblaient presque s’actionner, comme des rouages grippés et puis… Élodie s’est endormie.

*

Lorsqu’elle se réveille, l’éclat de son lustre mélangé à celui de l’aube l’éblouit. Elle s’extirpe en baillant du canapé. Le livre glisse de son cœur mais elle le rattrape. Sa tasse de thé froid reste sur la table basse. Le livre monte avec elle dans sa chambre. Elle le jette sur son lit puis va prendre une douche. Elle sent le fennec. Elle a transpiré pendant son sommeil : une vraie catastrophe : « efficacité 48 heures, mon œil ! »

Sous la douche, elle se demande pourquoi elle a tant transpiré. Elle se rappelle confusément d’un rêve où elle courait… elle était inquiète… Elle ne sait plus bien…

Elle sort de la salle de bain et enfile un pyjama à carreau des plus seyant. Elle s’enfouit sous sa couette et attrape son livre. Elle se plonge immédiatement dedans car l’espace d’un instant, elle a recommencé à penser au boulot – enfin, feu le boulot – et aux sourires en coin, hier soir et à son chef et à son expression faussement contrite et à elle et…

Le livre, au moins, lui change les idées.

Elle en était page 132, avec cette rune.

Lorsqu’elle ouvre le livre, elle se dit « tient, c’est bizarre ». Elle aurait juré qu’il était plus fin hier soir.

Enfin, peu importe…

Donc, les enfants parlaient d’un journal des rêves.

*

Voilà à quoi Élodie passe sa première journée de chômage : elle lit.

Elle ne saurait plus dire si elle est dans le journal des rêves, dans la narration principale, dans un rêve à elle, ou encore dans sa vraie vie. Elle passe son temps avec les enfants du conflit : Frand, son grand frère Alex, Mael, la chanteuse d’opéra-punk avec ses cheveux rouges, et Billy-boy, le bébé de la troupe, qui n’a que 4 ans. Frand et Mael sont les plus casse-coups : ils passent leur temps à braver les interdits de l’état de siège pour atteindre… atteindre quoi en fait ? La lune peut-être ? Ou au moins, l’impression d’être libre… Ils sont prêts à tout pour vivre une enfance enchantée malgré la guerre. Alex, lui, c’est le combattant. Du haut de ses 15 ans, il fait le fier à bras, il est fougueux, il est fier, et ne suit les autres que quelque fois. Plus souvent qu’à son tour, il a besoin de leur aide, en fait. Et Billy-boy, avec son doudou lapin perpétuellement dans les mains, est juste adorable et c’est bien suffisant.

Lorsqu’Elodie se rend compte qu’elle a raconté ça, mot pour mot, à sa copine Lila, lors de son troisième jour de chômage, elle se dit que décidément elle ne va pas bien. Elle ne lui a même pas parlé de son chef, de ses collègues, de ses non-romances – enfin, de… d’elle.

Elle n’a parlé que du livre.

Elle en prend conscience lorsqu’elle raccroche le téléphone qui a le bon goût de remarcher depuis… depuis quand d’ailleurs ?

Là, il est seize heures ; dehors, une méchante pluie glacée tombe en biais et vient toquer aux fenêtres de la maison.

« J’ai pris une douche aujourd’hui ? »

Non. Force est de constater qu’aujourd’hui comme les deux jours précédents, elle est principalement restée dans son lit, le livre grand ouvert sur ses genoux, au dessus de sa tête, à ses côtés, sous son nez… Bref : elle a lu dans toutes les positions permises et c’est tout. En voyant le jardin se faire rincer d’eau froide, elle a subitement envie de sa salle de bain et court se doucher.

Elle passe pour cela dans sa chambre, et y récupère des habits propres et une serviette moelleuse dans sa commode. Elle en profite pour jeter un coup d’œil au livre, qui repose tranquillement sur sa couette.

« Tiens !… », se dit-elle avec surprise. Le livre a encore l’air d’avoir grossi.

C’est un effet d’optique étonnant, ce livre qui n’en finit pas, mais bon…

« Une douche, d’abord, une douche. »

L’hygiène la sépare du désespoir.

Cette fois, sous l’eau chaude et dans le parfum de jasmin, elle ne pense pas à feu le boulot.

Elle se dit simplement qu’elle aimerait que les enfants aussi profitent luxueusement d’une douche sans rationnement : ils pourraient jouer, rire, se détendre. Elle a une si forte sympathie pour ces personnages qu’elle ne leur souhaite que du bien. L’auteur, lui, n’était pas de cet avis : leur vie n’est vraiment pas drôle… Lorsqu’elle se sèche, dans sa serviette chauffée par le radiateur, elle pense que le temps de la guerre n’aurait vraiment pas été fait pour elle. Sa grand-mère l’a connu, elle lui en a raconté les histoires les plus abordables pour les enfants – le canard sans tête courant dans le jardin, les fois gras échangés par le train contre des lapins, ou encore le fameux « pourquoi la vitrine de l’entrée est-elle ébréchée » (un éclat de mortier… ).

Bref : tout ça, pour Elodie, c’était du décorum, et là, elle se dit…

Elle se dit qu’il est temps de se remettre à lire pour arrêter de penser à toutes ces horreurs qu’elle n’a pas connues – heureusement, amen et point final.

Elle reprend donc là où elle a laissé son marque-page.

Enfin, elle a un marque page dans le livre, mais… il n’est pas là où elle pensait le trouver. Elle était persuadée d’avoir atteint la page 503. Le marque page se trouve… page 132. Là où s’étend la rune qui serpente, se tord et se mord la queue.

A dire vrai, elle commence à se dire que ce livre est étrange. Elle ne saurait plus dire si elle a lu ou rêvé l’histoire des enfants.

En regardant fixement la rune, à nouveau, cette impression qu’elle bouge. Qu’elle s’actionne véritablement sur le papier… petit rouage rouillé qui ont du mal à fonctionner mais…

« Je délire…. »

Élodie referme le livre… puis le ré-ouvre pour vérifier.

Page 132 , toujours la rune.

Elle a imperceptiblement changer de forme.

Ou pas.

Élodie ne sait plus vraiment : elle n’était pas assez attentive pour être sûre. Elle tourne la page et relit le début du journal des rêves.

« Non de non ! » s’exclame-t-elle en refermant le bouquin.

Elle le jurerait : elle n’a jamais lu ça.

A la rigueur, elle l’a rêvé. Peut être.

Frand et Mael consignent sur leur journal intime commun qu’ils ont rencontré une grande et jolie blonde, qui vit seule dans une maison de banlieue, et elle leur a offert le confort ultime : prendre une douche.

« Bon sang, mais c’est pas possible ! Ils essayaient de rentrer dans l’opéra ce matin… »

Toujours emmitouflée dans sa serviette, Élodie commence à se ronger les ongles. Elle se dit que le délire peut se manifester de diverses façons. Son cerveau essaierait-il, par ce biais sournois, de lui dire : « Attention, tu flambes. Attention, tu es en burn out » ?

Elle finit par arriver à se détacher de la contemplation vide de la couverture du livre – la rune, encore, la rune toujours… – et elle décide de s’habiller pour sortir. Elle va aller faire des courses. Elle va aller prendre en café avec ce qui lui reste comme ami(es) disponible(s). Elle les appellera en chemin. Bref, malgré le mauvais temps, elle décampe, un peu choquée par l’idée qui commence à faire son chemin : le livre change au fur et à mesure de sa lecture, comme la rune, page 132…

*

Vers 23h00, Élodie rentre chez elle. Elle a fait des courses – traduire : elle a acheté des chaussures – et elle a réussi à prendre un verre avec un couple d’amis, très amoureux, très adorable, tout à fait déprimant. Elle les a lâchés au restaurant, prétextant une migraine foudroyante et bien pratique.

La voilà donc à nouveau chez elle. Elle se sent un peu mieux quand même : l’air frais lui a fait du bien, le monde s’agitant autour d’elle aussi. Elle a repris contact avec sa réalité. Plus de soucis. Elle peut finir ce fichu bouquin et passer à autre chose. La recherche de travail par exemple. Alors qu’elle se brosse les dents, elle se sent forte, décidée, courageuse. Elle va finir ce livre, puis, chercher un job. Un meilleur job.

Pyjama à carreau. Oreiller bien rebondi. Et le bouquin.

Pas de surprise cette fois : le marque page est resté là où il était, page 132.

La rune est là : plutôt fixe. Élodie esquisse un sourire. Bouh ! Quelle froussarde : elle a eu peur d’un bouquin – pas de doute, il faut arrêter Buffy contre les vampires, X-File et le reste…

Elle recherche la page qu’elle croyait être la sienne, la 503.

Étonnant, le livre finit page 478.

« Bah : ce devait être 403, après tout »,

Elle dormait à moitié quand elle a fermé le livre , elle ne se souvient plus : c’est tout, pas de quoi frissonner sous la couette !

Alors, où en sont-ils déjà : ah, oui… leur amie la grande blonde les a abandonnés en mauvaise posture, dans la rue, en plein couvre feu, et avec la milice qui patrouille !… En plus, Billy-boy a oublié chez elle son doudou lapin !

« Il faut qu’elle le lui rapporte, il faut qu’elle les aide ! »

Élodie ne se rend pas compte qu’elle murmure ça comme une imprécation à l’auteur : ces gosses ne doivent pas se faire prendre. Pas ça. Pas ça en plus… Alex est déjà connu de la milice, les deux autres pas encore, et un bébé, enfin, un bébé de 4 ans ?

Elle replonge dans le livre page 403, 303, 132, elle ne sait plus, elle s’en fiche. Elle veut qu’ils s’en sortent, vite, qu’il soient à l’abri, que quelqu’un les aide – peut-être une grand-mère ou quelqu’un d’autre, peu importe… pourvu qu’ils s’en sortent, eux…

*

Pendant ce temps, c’est lundi, et au 10 rue Auguste Blanqui, les employés rentrent de week-end. Dans la cours, Pierrick et Boris, eux, sont arrivés depuis un quart d’heure et sont déjà au café. Boris demande :

— T’avais pas un livre à me passer ? L’opéra de quelque chose…

— Ah, oui, c’est vrai. Bon sang, je l’ai pommé la semaine dernière !

— Pierrick, merde…

— Écoute, honnêtement, c’est un cadeau que je te fais : ce truc n’en finissait pas. J’avais l’impression qu’il gagnait des pages au fur et à mesure que je lisais. Je passais mon temps à lire et la nuit, j’en rêvais – j’étais avec les gamins de l’histoire… J’avais du mal à me lever tu sais, ça me crevait…

— T’es con, arrête.

— Mais non, je t’jure. Un vrai poison, ce machin. J’sais pas où je l’ai oublié. Je le traînais partout faut dire, pour que les gamins aillent bien (et il fait un petit cercle avec son index non loin de sa tempe…)

— Ouais, bref. Tiens au fait, tu sais qu’ils ont viré la grande blonde du troisième la semaine dernière ? Elsa c’est ça, non ?

— Non, Éliane…

— Ah ouais, Éliane.

*

C’est lundi aussi chez Élodie. La nuit a passé. L’aurore est là. Froide, lavée par la pluie de la veille, mais rayonnante, rose… Sa lueur douce et gelée vient se perdre dans les rideaux ajourés du salon, elle vient jouer avec les raies des persiennes…

Élodie, elle, dort profondément, le livre sur sa poitrine. Elle rêve sans doute. Dans son sommeil, elle parle un peu. Elle dit : « Attention, Mael, ne tente pas le diable… »

Est-ce que la punkette l’entends ? Suit-elle ses conseils ?

C’est écrit dans le livre, page 4607 du journal des rêves.

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