je me souviens (compil)

JE ME SOUVIENS
Andrée

Je me souviens lorsque l’eau courante a été installée dans notre cuisine, au mois d’octobre 1948.Auparavant, chaque jour l’une d’entre nous, les plus grandes des filles, devait à tour de rôle descendre les deux étages et aller dans la cour extérieure tirer sur la pompe pour remplir d’eau les deux brocs. Ensuite, il fallait remonter, péniblement sans renverser ; et cette opération se déroulait plusieurs fois par jour. Pendant que les aînées ou l’un des parents faisait cette corvée, une autre devait vider les pots de chambre dans les grands seaux hygiéniques et devait descendre dans la cour et aller vider dans le cabinet public qui était un w.-c. à la turque et nettoyer évidemment les pourtours en prenant l’eau à la pompe qui était proche de l’endroit. Ceci en été comme en hiver, matin et soir. Il fallait aussi rincer les récipients et remonter l’ensemble tout le long des deux étages.
Jusque là, nos parents se lavaient dans une cuvette en faïence sur la tablette de marbre, morceau par morceau, dans leur chambre où régnait toujours une bonne odeur de savonnette. Les grandes soeurs avaient des cuvettes émaillées dans les deux chambres des filles comme notre grand-mère lorsqu’elle est venue vivre chez nous, après la mort de Grand-père, en 1947.
Nous les petites, notre frère étant encore un bébé, on nous lavait à l’évier.
A partir de novembre 48, nous avons pris des bains dans le Tub, grande et large cuvette en ferraille émaillée. Maman faisait chauffer de l’eau dans la lessiveuse ou le chaudron et avec une louche, elle versait suffisamment d’eau pour que nous puissions nous asseoir dans le récipient et tremper aussi nos pieds. Quel bonheur ! Mais il faisait froid ailleurs, car le chauffage n’était fourni que par la cuisinière et l’hiver par un poêle à bois, nous voyions les flammes à travers une fenêtre de mica. Lorsqu’il fallait laver nos cheveux que nous portions toutes très longs, c’était un énorme travail et heureusement nous n’avions pas à nous bousculer, chacune y passait à son tour. C’est en janvier 1951, je crois qu’l y a ru un chauffe-eau qui a permis que nous ayons de l’eau chaude au robinet ce qui a simplifié la vie familiale. Cela correspond dans mon souvenir à l’achat de la machine à laver le linge et de l’essoreuse.
Mais dans cette maison, nous n’avons jamais eu de water-closet ou cabinets à l’intérieur.
Il a fallu déménager pour trouver dans notre nouvelle maison en 1954, des toilettes intérieures, le début du tout à l’égout, mais il n’y avait pas encore de chauffage central. Mon
père a pu le faire installer qu’en octobre 1958 après que nous ayons vécu le terrible hiver que la France a connu. Enfin, il a fait installer douches et baignoires en 1973.

SOUVENIR D’ENFANCE
Claude D.

J’ai six ans et je viens de passer une longue journée à l’école. J’ai mangé à la cantine et je suis restée à l’étude. Je suis fatiguée et il me tarde de retrouver ma chambre et ma tranquillité. Sur le chemin du retour ma grand mère m’explique les travaux qui sont faits dans notre appartement : l’installation d’une salle de bain. Il a fallu casser le mur du cagibi et faire une porte. L’eau a été coupée toute la journée afin de réaliser les différents branchements pour toutes les installations.
– Mais j’ai toujours ma chambre ?
– Bien sûr que oui, me rassure ma grand-mère, une salle de bain c’est fait pour se laver c’est tout.
– On ne se lavera plus à la cuisine ?
– Non, on se lavera dans la baignoire, soit en la remplissant, soit en se servant de la douche et pour le bout du nez, les dents et les petites mains dans le lavabo.
– C’est quoi une douche ?
– Tu verras tout cela jeudi soir, tout sera installé.
Effectivement, pendant trois jours, une partie de l’appartement fut cachée par de grands morceaux de plastique opaques, impénétrables.
Le jeudi soir, en rentrant des activités de plein air, tout était rentrée dans l’ordre en dehors d’une porte de plus dans le couloir : la porte de la salle de bain.
Je pénétrai enfin dans cette pièce inconnue. Tout était blanc, avec du carrelage sur les murs, comme à la piscine. Parallèlement, sur chaque mur, il y avait une grande bassine sur pieds, la baignoire, avec un grand rideau à fleurs qui pendait du plafond, c’est pour ne pas mettre de l’eau partout me dit ma grand-mère. En face, il y avait un petit évier tout brillant, le lavabo ; au fond de la pièce, dans l’angle, une autre petite bassine à pieds, le bidet.
– Dis Mamie, il faut tout ça maintenant pour se laver ?
Eclats de rire.
Quelques minutes après, pas du tout rassurée, accrochée à ma grand-mère, je rentrais dans la baignoire et prenais ma première douche : moment magique, chaud, doux, facile. Je m’habituais très vite à ces séances quotidiennes et appréciais, pour la première fois, le confort et la modernité.

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