deuil et photos

Voila, elle n’était plus là ;

Il avait fallu vider la maison, donner le lit en fer forgé que tous les étés elle installait sous le cerisier avec des coussins pour les somnolences post repas dominical ou pour les discussions enflammées….

J’avais retrouvé quelques photos de ces vacances que nous avons toujours passées en tribu dans sa grande maison ;

Nous étions là, autour de la table, enfants et adultes à les regarder, à échanger des souvenirs ;

C’est curieux comme les événements peuvent être vécus de façon différente, certains souvenirs sucrés pour certains, représentent de l’amertume pour les autres ; comment le passé peut resurgir avec toute l’intensité ressentie il y a bien des années….

Ce jour là il y avait une ambiance spéciale et chacun a pu confier aux autres des ressentis intimes, parfois douloureux…..

 

-Tu te rappelles, il y avait des phragmites au bout du lac, on jouait avec les cannes des bambous, à la bagarre, à faire des cabanes, à fabriquer des instruments de musique ?

Et maintenant le lac est asséché, il n’y a plus de phragmites…

-Et cette photo du renard : on était partis en ballade et tout d’un coup cette charogne au milieu de chemin ; je ne savais pas comment protéger les enfants de ça, que leur dire, j’étais mal…Eux, ils étaient là autour, pleins de curiosité ; l’un d’eux a dit « c’est comme ça d’être mort ? »Sans que cela ne les touche, pour eux c’était dans la logique des choses, les mystères qu’ils voulaient connaître.

-Je me rappelle les petits matins dans la brume, armés avec les cannes des phragmites et un couvercle de marmite on jouait à la guerre ; on guettait Guillaume, on hurlait, pour moi ça a le goût de la guerre des boutons, qu’est ce qu’on a pu s’amuser !

-tu parles !Moi j’étais terrorisé dés que vous arriviez en vacances, tu ne peux pas savoir ce que c’est d’être tout seul contre trois….je courrais a perdre haleine j’avais peur de la brume et des histoires qu’on racontait ici sur les marais, je me perdais en voulant vous échapper….

-Là, je dansais, un « pestacle » comme on disait, déguisée avec les plantes ; tout de suite après j’ai fait une énorme allergie, j’avais du jouer avec des chenilles processionnaires, cortisone, pas de soleil ni de bras nus tout l’été….

-je me rappelle, à ce moment là, on avait joué avec ces masques, on créait des personnages ; on se roulait parfois dans la vase ; j’avais piqué une cigarette pour aller avec mon personnage, et la cigarette, j’ai vraiment fumée…j’ai été ensuite très malade, vomissements et tout, depuis j’associe toujours la cigarette et l’odeur de la vase…

-Je me souviens de la fois ou je me suis griffée en ramassant les mures avec Mamie ; je ne sais pas ou j’avais entendu ça, mais je croyais que j’allais avoir le tétanos et mourir à cause de cette griffure que mamie n’avait pas pris le temps de désinfecter immédiatement….

-Je me rappelle de cette fois je faisais tranquillement un câlin à Hugo sur le transat à la plage, on entendait le murmure des vagues sur les graviers, on savourait la caresse du soleil, moment de bonheur absolu qui devrait durer, durer…  soudain quelque chose de gluant froid s’est abattu sur nous dans un froissement ; Hugo s’est mis a hurler, à se débattre, panique totale ; on a mis beaucoup de temps a comprendre que ce n’était qu’un cerf volant qui était tombé là, juste sur notre chaise longue ;

-D’ailleurs cet été là avait été particulièrement difficile pour moi car après le cerf volant j’ai perdu mon nounours ; c’était mon doudou, je me pouvais pas dormir sans lui ; je me souviens qu’on l’a cherché partout, qu’on m’a proposé d’autres nounours mais aucun n’avait le pouvoir apaisant de mon doudou ; l’été suivant, il a été retrouvé pendu a un arbre, plein de mousse verte, troué par les oiseaux qui avaient du construire leur nid avec le rembourrage ; les cousins s’en étaient probablement servi pour jouer au papa et à la maman, je leur en ai longtemps voulu ….

 

Elle se taisait depuis le début de tous ces récits ; une photo d’elle sortant de la douche, encore humide, qui faisait penser au bien être de se rincer à l’eau douce après l’eau salée de l’océan et les irritations du sable, a déclanché ce terrible aveu qui nous a tous sidérés :

»Je savais qu’il me guettait, le photographe voyeur ; il me caressait dés qu’il pouvait, il me tenait, m’obligeait à me taire avec son chantage, je le déteste ! »

 

 

Yveline,Mars 2015

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