Archives de l’auteur : philippecourtemanche

EXPOSITION GUILLAUME BEAUGE

 

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EXPOSITION GUILLAUME BEAUGE

Quand je ferme les yeux, je m’endors dans une ramification aride sur une herbe noire, en compagnie de biches rigides, de têtes de mort secrètes.

Ma tête comme un fleuve chamboulé, pleine de bulles discontinues devient un fourre- tout vide. Yeux fermés je me sens porté dans un hamac abstrait, planté sur un feuillage confus, d’une lumière polychrome. Mon corps épouse une modulation dérangeante. Dans ce fantasme opaque, dans cette hallucination floue, je glisse sur une pente exacerbée sous une pluie dominante comme une boule flexible d’une lampe rouge.

Un enfantement névrosé d’une folie ennuyante.

Philippe/Bonnefoy janvier 2014

C’est pour de faux

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LLYN FOULKES (Punta della Dogana/Venise)

C’est pour de faux.T’en crois pas une miette ! Je te blague, c’est du bluff. Baratineur, c’est un conte Sans doute un peu spécieux, à dire vrai, fallacieux.

C’est pour de faux. Non, non c’est pour déconner. Une fanfaronnade, un faux-fuyant. Bobard de plaisantin, poétisation extravagante.

C’est pour de faux. T’aimes ou t’aimes pas déguiser la vérité, m’enjôler plaisanter. Un faux-bond parfois douteux. Une blague dérisoire Se raconter des histoires. Farceur va, j’aime ton baratin illogique, ton mentir vrai.

Philippe/Bonnefoy Décembre 2013

JEU DU CADAVRE EXQUIS

 

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MAMA ROMA / MARLENE DUMAS /Punta della dogana. Venise

 

La folie c’est : olé olé, elle est là comme une boisson quotidienne du matin, épaisse, en robe de chambre usée, froide, sans sucre en concrétion dans un éternel hiver d’un froid de loup, d’un froid de chien.

Elle est enfermée dans une surface pas plus grande qu’un bol, contenant un liquide noir. Elle ne s’occupe d’aucune intempérie, rude, glacée, elle est figée dans le temps, faisant fi de toutes les saisons. La frimousse en frimas, aucune lecture pénétrante, même dans le marc de café ne peut réellement la définir. Elle vous échappe, fond comme neige au soleil. Une boisson âpre, piquante, un poison lent, engourdissant, cruel. Pour elle pas de rédemption quel que soit la manière ou le lieu où on l’enferme, un bol de café froid dans un congélateur.

Philippe/Bonnefoy Novembre

 

 

Le JARDINIER DU SOUFFLE


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Le Jardinier du souffle

      Vous devez vous demander indubitablement,  pourquoi je suis devenu jardinier du            souffle. Je suis né dans une contre-allée, là comme cela, près d’un parterre de fleurs. Mon premier souffle vite éteint. Sauvé grâce à un verre de Calvados que mes parents m’ont fait ingurgiter de manière impérative.

Vous vous interrogez pour savoir comment je fais pour labourer, serfouir, biner voir émotter le souffle. Rien de plus simple, c’est un don. Cela n’étonne en rien mon psychanalyste, pour un enfant qui a failli mourir étouffé à sa naissance. Très jeune au jardin d’enfant, je me suis promis d’être le semeur et éleveur de souffle pour les autres, afin qu’ils puissent vivre dans un paradis terrestre, l’Eden où personne ne pourrait manquer d’air.

Au printemps, après vous avoir arrosé, ratissé, drainé, rien de plus beau que d’écouter votre souffle siffloter près de vos lèvres, vous voir respirer à pleins poumons. J’aime sentir ce vent tiède et doux s’échappant de votre bouche. Me rendre compte que mes semis ont bien poussé, toutes ces senteurs du jardin que j’ai su cultiver en vous.

Bien sûr l’effort du grattoir de la serpette ou du crochet me fatigue un peu en nettoyant tous vos corps intérieurs pour que votre respiration se fasse le plus calmement du monde, que j’en sacrifie parfois ma  propre hygiène.

J’aime entendre le rythme de votre voix, le silence entre vos mots, le résultat de mon travail. Combien de comédiens, d’enseignants, de femmes et d’hommes politiques sont venu me voir pour que je les aide. Sans perdre haleine, j’espère être toujours au plus près d’eux, bien que mon corps tende à s’user  à force de se courber sur leurs gorges profondes.

Pourtant, je tiendrai ma promesse d’enfant miraculé, jusqu’à mon dernier souffle.

 Philippe/ atelier / Bonnefoy

L’homme de l’Est

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Algirdas Šeškus
Exposition
château d’eau Toulouse

L’’homme de l’Est

Il se sent seul, inquiet, passif écarté du réconfort festif de la liberté ,celle qui est condamnée dans son pays. Il se sent abandonné, sans désir obéissant à une variation en nuances  de gris, seule lecture qu’il se fait de son environnement. Son flegme pourrait passer pour une drague impudique, mais il n’a aucun besoin de charité religieuse faite à la dérobade. Il préfère vivre dans l’ivrognerie destructrice d’un homme faussement libre.

Philippe/château d’eau

 

 

 

Chaise de Jardin

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Exposition

Grégoire Alexandre

« Sans titre »

 

Le régisseur au porte-voix annonce la fin de journée de travail. « On ne touche à aucun accessoire s’il vous plaît ». Ingrid, la jeune femme mannequin jette un regard furtif vers moi et  quitte le studio. Le chef électro appuie sur le disjoncteur, noir complet.

Je suis enfin une chaise libre ! On ne pliera pas mon bassin sur mes côtes pour m’entasser  au-dessous de mes semblables, alors que je suis la plus belle, à peine sortie de l’usine pour ce premier shooting de ma vie. La nuit va être longue, il me manquera la chaleur du joli fessier d’Ingrid la seule autorisée à s’asseoir sur mon siège entre les prises de vue.

Je vais enfin me reposer de cette lumière blanche, crue, éblouissante, tellement forte que je ne voyais même plus mes pieds.

Je voudrais être encore plus légère que je ne suis, comme chaise de jardin, pour m’envoler vers cette béance, seul puits de lumière dans cette nuit artificielle. Que peut-il se passer de l’autre côté de si fantastique, pour que le metteur en scène crie toute la journée à Ingrid de garder constamment son regard sur cette fente au bas de ce grand cyclo blanc.

Retrouver la vie, les odeurs, les chants oiseaux, tout l’environnement auquel je suis destinée.

J’essaie de remuer un peu mon siège pour m’approcher, en jouant des coudes avec mon dossier. En pliant un peu mes armatures croisées, je tente quelques petits sauts, un pas de deux de danseuse, imaginant ma compagne de studio m’aidant à franchir cet obstacle.

Un bruit de porte, le gardien de nuit, avec sa lampe torche, il va se rendre compte que j’ai bougé. Plus de choix, je dois sauter, je rassemble toutes mes forces, un élan et hop je passe dans le trou. Patratas ! Badaboum ! Un creux de 10 mètres au moins, une cave que sais-je, je suis foutue, je ne peux même pas voir le désastre de ma chute, bravo ma curiosité, je ne verrai plus Ingrid, bonne pour la décharge, une vie bien courte pour une chaise ?

Philippe/Château d’eau octobre 2013

Le collectionneur 

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N’hésitez pas, servez-vous, chacun peut repartir avec son stylo bic, cadeau de votre visite.

Je me permets, d’entrée, de vous faire cette offre car je suis convaincu qu’en repartant, vous ne jugerez plus ce stylo comme un objet jetable à merci, futile nié et insignifiant.

Aussi, bien loin de moi, l’idée de salir la mémoire du Baron Bic, en fait plus exactement celle  du Baron Bich qui a pu dans les années 1950, rendre populaire l’écriture au stylographe, et tant pis si aujourd’hui on l’achète plus au buraliste qu’au papetier, et si cent milliards de stylos Bic Cristal se sont vendus dans le monde.

Regardez celui-ci, plastique blanc, capuchon noir, mordillé à son extrémité sur tout le pourtour. Et bien sachez qu’il a appartenu à Gérard Depardieu lors du tournage  des « Valseuses » avec Miou Miou et Patrick Dewaere. Chacun en possédait un, et pendant les pauses, ils s’échangeaient sur des petits bouts de papier des mots doux ou non, l’ancêtre du texto en quelque sorte. Le régisseur du film, un ami, avait récupéré celui de Gérard et me l’avait donné, ce fut le départ de ma collection privée.

N’oubliez pas que chaque stylo a eu un ou plusieurs proprietaires, Continuer la lecture

Grégoire Alexandre « Sans Titre »

 

 

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Grégoire Alexandre

« Sans titre »

Décor noir blanc. Ouverture libre réaliste ou conceptuelle.

Danse unique, pudique, jouissance concentrée, sensualité.

Postures multiples en éclats de pétales suspendus, évanescents,

dispersés en discussion.

Pause esthétique, seule, nue, évanouie. Mouvement intérieur, rayonnant, enveloppé d’ombres droites… Peur de l’espace, lilliputiens murés en surimpression, chus dans une grotte torsadée aux plis charnus alignés.

Colère extérieure, ordre lié à la pauvreté, souillure.

 

Philippe

Château d’eau septembre 2013

Maison d’enfance

la comedieLa mamie me prend dans ses bras, elle porte sa longue chemise de nuit blanche. Nous descendons par l’escalier donnant sur une porte dérobée de la cuisine du rez-de-chaussée. Je suis à peine réveillé de cette nuit passée comme à l’accoutumée dans le lit à baldaquins et draps blancs entre papy et mamie d’adoption, nos voisins du minuscule appartement au-dessus de la brasserie de mes parents. Mon papa en costume cravate s’active déjà à faire des glaces dans la belle sorbetière argentée. Il m’effleure d’un rapide bisou sur le nez et m’ouvre la porte de la grande salle pour rejoindre ma maman, installée derrière le bar à la caisse enregistreuse. De mes petits pas mal assurés d’un garçonnet de deux ans, je me faufile jusqu’à elle. Elle me fait monter sur ses genoux, sous ses bisous, je penche ma tête sur sa poitrine, abrité de sa chevelure frisée et blonde. Je respire à plein poumons l’odeur de son parfum dont j’apprendrai bien plus tard que c’était le fameux « Channel numéro 5 ». Les bruits de discussion des clients se disputent avec la musique sorti du cornet du phono à aiguilles, jouant « Étoile des neiges » par Line Renaud. Luis, le serveur espagnol qui avait fui le franquisme, et était employé « au café de La Comédie », bien avant ma naissance, s’approche pour prendre un ticket de caisse pour les consommations qu’il va servir. Au moment où ma mère m’éloigne un peu, il en profite pour me tapoter sur la tête, en caressant mes boucles blondes à l’Anglaise conservées depuis mon plus jeune âge. J’adore son accent « Felipe, felipe guapo como va tou ». De nombreux clients sont installés pour un petit-déjeuner et certains pour leur premier apéritif. À la moustache garnie, je reconnais l’autre voisin du dessus, celui qui doit emprunter l’escalier extérieur en fer, sur la cour arrière du café qui donne sur la place de l’église, pour rejoindre son atelier de couture. Jamais je suis monté dans son lieu de travail, je l’imagine entouré de milliers de tissus, j’aimerais pour le prochain carnaval lui commander un déguisement. Maman demande à Luis de me conduire à mon siège d’enfant à l’arrière de l’établissement, près des tables à billard. J’aime voir les habitués frapper les boules blanches, et la rouge. Les petits bruits mats quand les boules se cognent m’amusent et allez savoir pourquoi bien plus tard j’aurai le fantasme d’être sorti du ventre de ma mère accouchant sur une des deux tables de billard du « Café de La Comédie », en attendant je « tétote » mon biberon goulûment.

Philippe atelier Bonnefoy

Reportage

EXPOSITION ANTANAS SUTKUS

EXPOSITION
ANTANAS SUTKUS

EXPOSITION ANTANAS SUTKUS

Le bruit de mes chaussures sur cette allée recouverte de petits cailloux envahit ma tête, j’avance dans ce grand parc arboré sans savoir où me mèneront mes pas. Quand j’ai ouvert la grille d’entrée, je n’ai pas pu lire sur le panneau de ferraille le nom de ce lieu, on devinait à peine le mot kind, kin er, quelque chose comme cela.
Un chant d’oiseau m’attire et j’ose pénétrer plus en avant dans ce bois, et soudain au loin face à moi dans une éclaircie d’une trouée d’arbres un masque, mime Marceau, tête d’enfant irradié, portant une chemise à carreaux, nouée d’une lavallière, je ne peux m’approcher plus de lui qui pourtant me regarde intensément, je fuis. Continuer la lecture