Les baigneuses qui ne voulaient pas se baigner.
Il y avait celles nées au début du XXe siècle habillées de pied en cape, tout de noir vêtues, froufrous, dentelles et rayures exhibés aux regards de tous qui voulaient se baigner mais qui ne pouvaient pas. Elles étaient trop empêtrées dans leurs habits de circonstances, profitant tout de même de l’air iodé et du paysage de bord de mer. Elles avaient peur de tout, du soleil, du regard des autres baigneurs, des moindres et infimes indécences. Après cette belle époque vint le temps des libérations et de celles qui osent désormais se montrer quasiment dénudées portées par un mouvement de femmes décidées à ne plus se laisser aliéner. Elles exposent alors un corps hâlé et se baignent sans contraintes, jouissant de tout en toute liberté, l’air de rien. Celles-ci ne s’inquiètent ni des rayons qui brûlent, ni de l’humeur de la mer et de ses vagues qui déferlent, ni du sable de la plage qui disparait un peu plus chaque jour, toutes occupées à profiter enfin du soleil et de la mer. Mais il reste au sein de cette communauté adepte d’un héliotropisme méditerranéen des dubitatives, parfois culottées et chapeautées, qui se trempent les pieds attentives à tout et au moindre rien, ne voulant pas se baigner. Leur plaisir est d’entrer dans une quête singulière de petits coquillages bariolés, de drôles de pierres dépolies et colorées et d’autres trésors ramenés des fonds marins par des vagues légèrement écumantes. D’autres enfin, se demandent contemplatives devant cette immensité bleutée, quelle délectation il y a à se baigner dans une eau tout de même gelée.