existentialisme

21 Mars 1949

Anna est seule dans la roulotte avec son bébé. Moment précieux, où elle a dénudé son sein pour l’offrir à la petite fille. Son regard couve l’enfant -qui boit goulûment- d’une aura de tendresse. Elle songe à sa sœur dont le parfum capiteux flotte encore dans la pièce.

Comme à son habitude, Flora est venue en coup de vent aux portes de Toulouse où est installé le campement des gitans. Elle s’est glissée dans la roulotte d’Anna en grand secret car leur père l’a bannie depuis longtemps de leur communauté  quand il a appris qu’elle fréquentait des gadjos de la ville.

  • Ce sont des étudiants de l’Université a confié Flora à sa sœur. je suis de toutes leurs fêtes. Ils disent que je suis leur égérie ! Ce soir, tu te rends compte, c’est la soirée la plus recherchée de Toulouse : la nuit de l’exis-ten-tia-lisme !

Non, Anna ne se rendait pas compte mais elle a laissé la jeune femme lui expliquer ce que lui avaient dit les étudiants. L’existentialisme, c’est être maître de son destin, c’est vivre où et quand on en a envie. Et cela convient tout à fait à Flora ! Et puis IL sera là, son nom flotte sur toutes les lèvres, lui, le génial poète, l’auteur compositeur interprète de saint Germain des prés, mais si, voyons, le trompettiste … Boris Vian ! Il les régalera d’airs de jazz. Anna ne voit toujours pas mais n’ose le dire à sa sœur …

Flora a consulté sa montre de prix et s’est levée brusquement. Elle a enfilé une fourrure et elle est partie dans un grand éclat de rire en embrassant Anna et sa nièce.

Dans une cave du vieux Toulouse la fête bat son plein.Des groupes de musiciens, des chanteurs sont entourés par des dizaines de zazous aux cheveux gominés et aux tenues excentriques dans un brouhaha coloré . Sur des airs de be-bop et de swing des couples se déchaînent sur la piste de danse.

Mais l’attraction la plus prisée de la soirée est sans doute la prestation de Flora : juchée sur une table, entièrement dénudée, elle tête goulûment une bouteille de whisky coûteux, visage levé vers le ciel. Autour d’elle se pressent des visages de mâles concupiscents, l’un approche même ses lèvres de son sein. Mais elle n’en a cure, elle les domine tous : elle est l’image de la liberté !

Dans la tiédeur de la roulotte, seule avec sa fille, dans ce silence si particulier fait d’amour et de connivence, Anna observe la petite qui tête avec ferveur. Elle sourit en pensant à sa sœur : elle aussi est exactement là où elle a envie d’être…

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