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texte du mercredi matin

L’escargot, premier mot…

 

L'escargot

Agile l’escargot, fier l’escargot, mais rien n’y fait, il finira dégorgé et poêlé à l’ail, voyez-vous cela ?

Aucun chef cuisinier n’y échappe, pendant son apprentissage, il doit savoir élaborer une nouvelle recette d ‘escargot. « Oh ! my God ». C’est une spécialité française comme l’aspirine et le pastis. Il ne faut pas avoir honte de sa culture, bon ! Ce n’est pas une raison d’être dogmatique, sorte d’iceberg immortel de la rigidité  franchouillarde.

Moi les escargots, je les aime dans l’herbe ou dans la terre fraîchement ramollie ou encore glissant d’une manière douce et baveuse d’une feuille noyée d’eau.L’escargot est lent et cela me va, l’escargot a une coquille et j’aimerais en posséder une contre le froid, la pluie ou le grand soleil.

J’aurai pu choisir la tortue, mais j’ai choisi l’escargot. Au fait je ne sais plus lequel est hermaphrodite ?

Philippe/ Logo rallye/ Bonnefoy 2014

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gueule cassée.

Il avait une gueule cassée de celle qui vous font penser qu’il a vécu, qu’il en a vu.
Il avait une gueule cassée de celle qui vous font rêver, qui vous font imaginer.
Regard noir, nez tordu, bouche cousu.
Ce mec là, il en a vu.
Gueule cassée, cœur fêlé, corps mutilé.
Ce qu’il a vécu, personne ne peut vraiment l’imaginer sans être loin de la réalité.
Le message est clair pas besoin de paroles, de mots écrits.
Sa gueule, c’est une lettre de vie.
Bien-sûr, on a pas toutes les clés.
Bien-sûr, c’est plus compliqué.
Mais ce qu’il a vécu, il veut pas en parler.
Il veut l’oublier, mon frère.
Jamais tu ne l’entendras l’évoquer.
Jamais il ne pourra se confier.
Captif, enfermé.
Comme une bête, un animal blessé.
Moi, je le sais parce que j’y étais.
Moi, je le sais parce qu’aussi j’ai morflé.
La différence c’est que ça se voit pas sur ma gueule, plus jeune, cinq années nous séparaient.
La différence c’est que j’ai divagué.
Pour oublier j’ai imaginé des couleurs, des odeurs.
Quand j’avais la tête sur le carrelage glacé avec le sang qui coulait, moi je rêvais de fleurs.
Lui, il voyait l’horreur.
Quand il arrivait ce salop pour nous rosser, nous culbuter.
Lui, il voyait la nuit,la douleur.
Moi, j’espérais la lumière, la douceur.
Lui et moi on est liés.
Lui et moi on sait.
Pas besoin de se parler.
Mais on peut plus se voir, on peut plus se regarder.
On est frères mais on peut plus s’aimer.
On peut plus se voir.
On peut plus se regarder.
A cause de notre salop de père qui nous violait.

C’est pour de faux

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LLYN FOULKES (Punta della Dogana/Venise)

C’est pour de faux.T’en crois pas une miette ! Je te blague, c’est du bluff. Baratineur, c’est un conte Sans doute un peu spécieux, à dire vrai, fallacieux.

C’est pour de faux. Non, non c’est pour déconner. Une fanfaronnade, un faux-fuyant. Bobard de plaisantin, poétisation extravagante.

C’est pour de faux. T’aimes ou t’aimes pas déguiser la vérité, m’enjôler plaisanter. Un faux-bond parfois douteux. Une blague dérisoire Se raconter des histoires. Farceur va, j’aime ton baratin illogique, ton mentir vrai.

Philippe/Bonnefoy Décembre 2013

Humeur

-« Qu’est ce que t’as ce matin?
-Rien, rien.
-Comment ça? T’as vu ta mine?
-Non, je te dis, ça va.
-Ben dis moi si ça va, on dirait un chien prêt à mordre, t’as l’air d’une humeur.
-Oh ça suffit Rose! Tu vas pas me saouler toute la journée. Je te dis, ça va, alors tu me lâches et tu passes à autre chose, ok!
-Ok, ok. C’est juste qu’on dirait que t’as le mercure en zone rouge. Je voudrais pas que tu me fasses une crise d’apoplexie en plein boulot. J’ai l’impression que tu es perdu dans une autre galaxie, que t’as loupé le nuage de 10h et qu’on t’a uriné sur la jambe.
-Tu sais quoi Rose? J’vais te laisser te démerder toute seule aujourd’hui.
-Quel poète! Tu pourrais être plus poli tout de même, je m’inquiète pour toi, c’est tout!
-Ben là tu vois, j’étais un peu stressé, je voulais te faire un cadeau, je t’avais acheté un bouquet de fleur, je l’avais mis dans un vase, je voulais te dire « Je t’aime Rose » mais franchement, tu me fais chier parfois.

Le collectionneur

Je suis collectionneur de verre. Je les range dans ma verrière.
Risqué? Sans doute!
Mais j’aime la fragilité de cette collection qui peut disparaître à tous moments.
Je vous y amène?
Mais avant d’y aller je vous propose de lever notre verre à la vérité. Ensuite nous emprunterons, pour nous rendre à la verrière, le chemin vert du jardin d’hiver qui est parfois givré. Nous y croiserons peut-être le ver à soie ou le verre poli qui sont parfois en grande discussion avec le verre trempé sur l’influence de la verroterie dans la vitrification du 18e au 21e siècle.
Puis je présenterai à vos jolis yeux verts les pièces maîtresses de ma collection.
Notamment le verre de trop, celui que l’on place en haut de la pile en équilibre sur les autres. Tombera. Tombera pas.
Le verre jetable, le pauvre, il est triste celui-là. On l’utilise souvent lors de moments heureux et puis, hop, une fois la fête finie, il termine sa course à la poubelle au milieu des détritus et des papiers cadeaux.
Le verre à dents, je l’aime bien, celui de ma mémé me fascinait. Il n’est pas très beau, vulgaire pyrex de cantine, sa fonction non plus n’est pas reluisante mais enfant je ne comprenais pas comment on pouvait enlever ses dents aussi aisément, ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Le verre doseur, il est un peu poseur, toujours à vouloir tout contrôler, tout doit être parfait, rien qui dépasse. Il ne s’entend pas du tout avec le verre de l’amitié. Quel numéro! Toujours à rigoler, à se marrer. Cul et chemise avec le verre apéritif. Ces deux là ils sont plutôt du genre à prendre la vie du bon côté.
Et puis il y a mon préféré, le verre musical, le poète de ma collection. La finesse de son style, dentelle cristalline, lorsqu’il se met à jouer tout devient clair même le dernier verre, celui qu’on prend avant de se quitter devient joyeux. Un véritable bol d’air.

Tête à tête

C’est pour de faux
C’est pour de vrai
Le vrai du faux
Le faux du vrai
C’est pour la vie
C’est pour l’amour
A la vie, à l’amour
L’amour de ma vie
A l’amour, à la vie
Mon ami
Trinquons à nous, mon amour
Trinquons à la vie, mon ami
Mais soyons toujours honnêtes
Et même si ça s’arrête
Même si un jour on s’entête, à tue tête
Si un jour on se tue
Soyons honnêtes
Quittons nous, avant de perdre la tête.

JEU DU CADAVRE EXQUIS

 

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MAMA ROMA / MARLENE DUMAS /Punta della dogana. Venise

 

La folie c’est : olé olé, elle est là comme une boisson quotidienne du matin, épaisse, en robe de chambre usée, froide, sans sucre en concrétion dans un éternel hiver d’un froid de loup, d’un froid de chien.

Elle est enfermée dans une surface pas plus grande qu’un bol, contenant un liquide noir. Elle ne s’occupe d’aucune intempérie, rude, glacée, elle est figée dans le temps, faisant fi de toutes les saisons. La frimousse en frimas, aucune lecture pénétrante, même dans le marc de café ne peut réellement la définir. Elle vous échappe, fond comme neige au soleil. Une boisson âpre, piquante, un poison lent, engourdissant, cruel. Pour elle pas de rédemption quel que soit la manière ou le lieu où on l’enferme, un bol de café froid dans un congélateur.

Philippe/Bonnefoy Novembre

 

 

Le JARDINIER DU SOUFFLE


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Le Jardinier du souffle

      Vous devez vous demander indubitablement,  pourquoi je suis devenu jardinier du            souffle. Je suis né dans une contre-allée, là comme cela, près d’un parterre de fleurs. Mon premier souffle vite éteint. Sauvé grâce à un verre de Calvados que mes parents m’ont fait ingurgiter de manière impérative.

Vous vous interrogez pour savoir comment je fais pour labourer, serfouir, biner voir émotter le souffle. Rien de plus simple, c’est un don. Cela n’étonne en rien mon psychanalyste, pour un enfant qui a failli mourir étouffé à sa naissance. Très jeune au jardin d’enfant, je me suis promis d’être le semeur et éleveur de souffle pour les autres, afin qu’ils puissent vivre dans un paradis terrestre, l’Eden où personne ne pourrait manquer d’air.

Au printemps, après vous avoir arrosé, ratissé, drainé, rien de plus beau que d’écouter votre souffle siffloter près de vos lèvres, vous voir respirer à pleins poumons. J’aime sentir ce vent tiède et doux s’échappant de votre bouche. Me rendre compte que mes semis ont bien poussé, toutes ces senteurs du jardin que j’ai su cultiver en vous.

Bien sûr l’effort du grattoir de la serpette ou du crochet me fatigue un peu en nettoyant tous vos corps intérieurs pour que votre respiration se fasse le plus calmement du monde, que j’en sacrifie parfois ma  propre hygiène.

J’aime entendre le rythme de votre voix, le silence entre vos mots, le résultat de mon travail. Combien de comédiens, d’enseignants, de femmes et d’hommes politiques sont venu me voir pour que je les aide. Sans perdre haleine, j’espère être toujours au plus près d’eux, bien que mon corps tende à s’user  à force de se courber sur leurs gorges profondes.

Pourtant, je tiendrai ma promesse d’enfant miraculé, jusqu’à mon dernier souffle.

 Philippe/ atelier / Bonnefoy

Le collectionneur 

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N’hésitez pas, servez-vous, chacun peut repartir avec son stylo bic, cadeau de votre visite.

Je me permets, d’entrée, de vous faire cette offre car je suis convaincu qu’en repartant, vous ne jugerez plus ce stylo comme un objet jetable à merci, futile nié et insignifiant.

Aussi, bien loin de moi, l’idée de salir la mémoire du Baron Bic, en fait plus exactement celle  du Baron Bich qui a pu dans les années 1950, rendre populaire l’écriture au stylographe, et tant pis si aujourd’hui on l’achète plus au buraliste qu’au papetier, et si cent milliards de stylos Bic Cristal se sont vendus dans le monde.

Regardez celui-ci, plastique blanc, capuchon noir, mordillé à son extrémité sur tout le pourtour. Et bien sachez qu’il a appartenu à Gérard Depardieu lors du tournage  des « Valseuses » avec Miou Miou et Patrick Dewaere. Chacun en possédait un, et pendant les pauses, ils s’échangeaient sur des petits bouts de papier des mots doux ou non, l’ancêtre du texto en quelque sorte. Le régisseur du film, un ami, avait récupéré celui de Gérard et me l’avait donné, ce fut le départ de ma collection privée.

N’oubliez pas que chaque stylo a eu un ou plusieurs proprietaires, Continuer la lecture

Maison d’enfance

la comedieLa mamie me prend dans ses bras, elle porte sa longue chemise de nuit blanche. Nous descendons par l’escalier donnant sur une porte dérobée de la cuisine du rez-de-chaussée. Je suis à peine réveillé de cette nuit passée comme à l’accoutumée dans le lit à baldaquins et draps blancs entre papy et mamie d’adoption, nos voisins du minuscule appartement au-dessus de la brasserie de mes parents. Mon papa en costume cravate s’active déjà à faire des glaces dans la belle sorbetière argentée. Il m’effleure d’un rapide bisou sur le nez et m’ouvre la porte de la grande salle pour rejoindre ma maman, installée derrière le bar à la caisse enregistreuse. De mes petits pas mal assurés d’un garçonnet de deux ans, je me faufile jusqu’à elle. Elle me fait monter sur ses genoux, sous ses bisous, je penche ma tête sur sa poitrine, abrité de sa chevelure frisée et blonde. Je respire à plein poumons l’odeur de son parfum dont j’apprendrai bien plus tard que c’était le fameux « Channel numéro 5 ». Les bruits de discussion des clients se disputent avec la musique sorti du cornet du phono à aiguilles, jouant « Étoile des neiges » par Line Renaud. Luis, le serveur espagnol qui avait fui le franquisme, et était employé « au café de La Comédie », bien avant ma naissance, s’approche pour prendre un ticket de caisse pour les consommations qu’il va servir. Au moment où ma mère m’éloigne un peu, il en profite pour me tapoter sur la tête, en caressant mes boucles blondes à l’Anglaise conservées depuis mon plus jeune âge. J’adore son accent « Felipe, felipe guapo como va tou ». De nombreux clients sont installés pour un petit-déjeuner et certains pour leur premier apéritif. À la moustache garnie, je reconnais l’autre voisin du dessus, celui qui doit emprunter l’escalier extérieur en fer, sur la cour arrière du café qui donne sur la place de l’église, pour rejoindre son atelier de couture. Jamais je suis monté dans son lieu de travail, je l’imagine entouré de milliers de tissus, j’aimerais pour le prochain carnaval lui commander un déguisement. Maman demande à Luis de me conduire à mon siège d’enfant à l’arrière de l’établissement, près des tables à billard. J’aime voir les habitués frapper les boules blanches, et la rouge. Les petits bruits mats quand les boules se cognent m’amusent et allez savoir pourquoi bien plus tard j’aurai le fantasme d’être sorti du ventre de ma mère accouchant sur une des deux tables de billard du « Café de La Comédie », en attendant je « tétote » mon biberon goulûment.

Philippe atelier Bonnefoy