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Impressions foraines

Je me souviens entrer dans l’enceinte de la fête foraine comme on entre dans l’univers d’Alice aux pays des merveilles et me trouver entêtée par les effluves sucrées et poudrées qui sinuaient dans l’air jusque dans nos narines et nous attiraient vers la cabane du marchand de barbe à papa couleur rose bonbon. On regardait les filets de sucre qui s’enroulaient comme des bribes de nuages autour du bâtonnet en se demandant quand le monsieur s’arrêterait. On sentait les cristaux se caraméliser et dégager une odeur de fraise. Quand brusquement, continuant notre chemin, au détour d’une allée, le parfum sirupeux des pommes d’amour nous envahissait tandis que notre regard s’immobilisait sur cette grosse sucette au rouge écarlate. La nuit survenait et se chargeait de la cacophonie des autos tamponneuses bonhommes et des cris des enfants installés dans les manèges aux personnages toujours souriants, des cris des intrépides embarqués sur la grande roue et de la joyeuse rumeur de la foule qui déambulait. En fond sonore on continuait d’entendre les ritournelles des machines à sous et de celles qui attrapaient les peluches. Mais déjà notre regard se posait sur les guirlandes chatoyantes, le rose fushia des machines à tirettes, les enseignes lumineuses et clignotantes, les éclairages bariolés et scintillants, les stands aux objets fluorescents. Et malgré la harangue des forains pour vous faire jouer à la loterie ou l’on gagne à tous les coups et l’invitation du gros lapin dans les bras du grand costaud, c’est finalement les chouchous dorés tout chauds qui laissaient en bouche un délicieux goût de vanille sucrée qui nous faisaient succomber.

 

la photo du mois

Les baigneuses qui ne voulaient pas se baigner.

Il y avait celles nées au début du XXe siècle habillées de pied en cape, tout de noir vêtues, froufrous, dentelles et rayures exhibés aux regards de tous qui voulaient se baigner mais qui ne pouvaient pas. Elles étaient trop empêtrées dans leurs habits de circonstances, profitant tout de même de l’air iodé et du paysage de bord de mer. Elles avaient peur de tout, du soleil, du regard des autres baigneurs, des moindres et infimes indécences. Après cette belle époque vint le temps des libérations et de celles qui osent désormais se montrer quasiment dénudées portées par un mouvement de femmes décidées à ne plus se laisser aliéner. Elles exposent alors un corps hâlé et se baignent sans contraintes, jouissant de tout en toute liberté, l’air de rien. Celles-ci ne s’inquiètent ni des rayons qui brûlent, ni de l’humeur de la mer et de ses vagues qui déferlent, ni du sable de la plage qui disparait un peu plus chaque jour, toutes occupées à profiter enfin du soleil et de la mer. Mais il reste au sein de cette communauté adepte d’un héliotropisme méditerranéen des dubitatives, parfois culottées et chapeautées, qui se trempent les pieds attentives à tout et au moindre rien, ne voulant pas se baigner. Leur plaisir est d’entrer dans une quête singulière de petits coquillages bariolés, de drôles de pierres dépolies et colorées et d’autres trésors ramenés des fonds marins par des vagues légèrement écumantes. D’autres enfin, se demandent contemplatives devant cette immensité bleutée, quelle délectation il y a à se baigner dans une eau tout de même gelée.