Il avait une gueule cassée de celle qui vous font penser qu’il a vécu, qu’il en a vu.
Il avait une gueule cassée de celle qui vous font rêver, qui vous font imaginer.
Regard noir, nez tordu, bouche cousu.
Ce mec là, il en a vu.
Gueule cassée, cœur fêlé, corps mutilé.
Ce qu’il a vécu, personne ne peut vraiment l’imaginer sans être loin de la réalité.
Le message est clair pas besoin de paroles, de mots écrits.
Sa gueule, c’est une lettre de vie.
Bien-sûr, on a pas toutes les clés.
Bien-sûr, c’est plus compliqué.
Mais ce qu’il a vécu, il veut pas en parler.
Il veut l’oublier, mon frère.
Jamais tu ne l’entendras l’évoquer.
Jamais il ne pourra se confier.
Captif, enfermé.
Comme une bête, un animal blessé.
Moi, je le sais parce que j’y étais.
Moi, je le sais parce qu’aussi j’ai morflé.
La différence c’est que ça se voit pas sur ma gueule, plus jeune, cinq années nous séparaient.
La différence c’est que j’ai divagué.
Pour oublier j’ai imaginé des couleurs, des odeurs.
Quand j’avais la tête sur le carrelage glacé avec le sang qui coulait, moi je rêvais de fleurs.
Lui, il voyait l’horreur.
Quand il arrivait ce salop pour nous rosser, nous culbuter.
Lui, il voyait la nuit,la douleur.
Moi, j’espérais la lumière, la douceur.
Lui et moi on est liés.
Lui et moi on sait.
Pas besoin de se parler.
Mais on peut plus se voir, on peut plus se regarder.
On est frères mais on peut plus s’aimer.
On peut plus se voir.
On peut plus se regarder.
A cause de notre salop de père qui nous violait.
Archives de l’auteur : sonia
Victime d’Elle
Elle n’est pas donnée à tout le monde.
Il y a ceux qui passent devant encore et encore et qui jamais ne la verront, ne s’y accosteront.
Elle est là pourtant à portée de main, à portée de vie.
Il suffit juste de lever la tête et l’on peut la voir accoudée à son balcon.
Elle nous surplombe de sa maestria.
Elle nous dissous de son regard doux.
Elle nous terrasse, nous rend fou.
La réalité n’a plus cours.
On tombe malade, on perd pied.
On s’énamoure de cette coqueluche.
Elle nous bouffe, nous fait nous consumer pour ses atouts à balconnets.
Une fois qu’elle a jeté son dévolu sur notre personne,
Le rythme s’accélère,
On s’affole, on s’étiole,
Esprit dérangé,
Elle nous enchaîne,
On est saoul d’amour,
Et puis lorsque ça cesse,
qu’elle se lasse,
On a le contre coup,plus rien n’a de goût,
Vie sans soleil, nuit sans étoile,
On ne vit plus, n’existe plus.
Elle nous surplombe de sa maestria,
Elle nous dissous de son regard doux,
Elle nous terrasse, nous rend fou.
Humeur
-« Qu’est ce que t’as ce matin?
-Rien, rien.
-Comment ça? T’as vu ta mine?
-Non, je te dis, ça va.
-Ben dis moi si ça va, on dirait un chien prêt à mordre, t’as l’air d’une humeur.
-Oh ça suffit Rose! Tu vas pas me saouler toute la journée. Je te dis, ça va, alors tu me lâches et tu passes à autre chose, ok!
-Ok, ok. C’est juste qu’on dirait que t’as le mercure en zone rouge. Je voudrais pas que tu me fasses une crise d’apoplexie en plein boulot. J’ai l’impression que tu es perdu dans une autre galaxie, que t’as loupé le nuage de 10h et qu’on t’a uriné sur la jambe.
-Tu sais quoi Rose? J’vais te laisser te démerder toute seule aujourd’hui.
-Quel poète! Tu pourrais être plus poli tout de même, je m’inquiète pour toi, c’est tout!
-Ben là tu vois, j’étais un peu stressé, je voulais te faire un cadeau, je t’avais acheté un bouquet de fleur, je l’avais mis dans un vase, je voulais te dire « Je t’aime Rose » mais franchement, tu me fais chier parfois.
Le collectionneur
Je suis collectionneur de verre. Je les range dans ma verrière.
Risqué? Sans doute!
Mais j’aime la fragilité de cette collection qui peut disparaître à tous moments.
Je vous y amène?
Mais avant d’y aller je vous propose de lever notre verre à la vérité. Ensuite nous emprunterons, pour nous rendre à la verrière, le chemin vert du jardin d’hiver qui est parfois givré. Nous y croiserons peut-être le ver à soie ou le verre poli qui sont parfois en grande discussion avec le verre trempé sur l’influence de la verroterie dans la vitrification du 18e au 21e siècle.
Puis je présenterai à vos jolis yeux verts les pièces maîtresses de ma collection.
Notamment le verre de trop, celui que l’on place en haut de la pile en équilibre sur les autres. Tombera. Tombera pas.
Le verre jetable, le pauvre, il est triste celui-là. On l’utilise souvent lors de moments heureux et puis, hop, une fois la fête finie, il termine sa course à la poubelle au milieu des détritus et des papiers cadeaux.
Le verre à dents, je l’aime bien, celui de ma mémé me fascinait. Il n’est pas très beau, vulgaire pyrex de cantine, sa fonction non plus n’est pas reluisante mais enfant je ne comprenais pas comment on pouvait enlever ses dents aussi aisément, ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Le verre doseur, il est un peu poseur, toujours à vouloir tout contrôler, tout doit être parfait, rien qui dépasse. Il ne s’entend pas du tout avec le verre de l’amitié. Quel numéro! Toujours à rigoler, à se marrer. Cul et chemise avec le verre apéritif. Ces deux là ils sont plutôt du genre à prendre la vie du bon côté.
Et puis il y a mon préféré, le verre musical, le poète de ma collection. La finesse de son style, dentelle cristalline, lorsqu’il se met à jouer tout devient clair même le dernier verre, celui qu’on prend avant de se quitter devient joyeux. Un véritable bol d’air.
Tête à tête
C’est pour de faux
C’est pour de vrai
Le vrai du faux
Le faux du vrai
C’est pour la vie
C’est pour l’amour
A la vie, à l’amour
L’amour de ma vie
A l’amour, à la vie
Mon ami
Trinquons à nous, mon amour
Trinquons à la vie, mon ami
Mais soyons toujours honnêtes
Et même si ça s’arrête
Même si un jour on s’entête, à tue tête
Si un jour on se tue
Soyons honnêtes
Quittons nous, avant de perdre la tête.
Autoportrait de la séductrice.
Il y a eu Cléopatre, il y a eu Cendrillon, il y a eu Dalida, il y a eu la Castafiore, il y a eu les abeilles et maintenant il y a moi.
Je serai cette année la tombeuse la plus rapide et sur le prochain tableau de chasse, j’aurai la plus belle proie.
Je suis la femme la plus équilibrée de la place, la plus calme, la plus superficielle et mon travail consiste à fabriquer du regard appuyé.
Toutes les grandes séductrices fabriquent du regard appuyé.
Séduire plus vite c’est d’abord séduire autrement de façon à semer l’inquiétude et le doute.
Faire peur.
Séduire de telle manière que les autres soient persuadées que vous allez vous prendre un râteau jusqu’à ce qu’une génération entière séduise comme vous.
Dans une vie de séductrice, on ne peut inventer qu’un regard appuyé génial et un seul.
Les abeilles sont arrivées dans la place avec la réputation de «Aïe Aïe Aïe» et deux milles ans plus tard toutes les femmes séduisaient comme elles.
Maintenant il y a moi.
Être une grande séductrice est un état qui exige une maîtrise absolu de soi-même et une abnégation totale.
Je séduis à temps plein. Continuer la lecture
Espérance.
Le sol de ce hall d’entrée est carrelé en blanc et noir.
Je m’amuse à marcher en diagonale pour atteindre l’escalier.
La lumière de la fenêtre est aveuglante.
Je m’assieds un instant sur la 1ere marche pour refaire mon lacet. Mon genou saigne. Je regarde mes poils collés par le sang séché et la saleté du bitume.
J’ai pleins de cicatrices sur mon corps.
J’en suis très fière.
Dans le quartier on m’appelle la sale môme. Un vrai garçon manqué comme ils disent.
Mais je les emmerde ces donneurs de leçon.
Ça y est, je l’entends gueuler. Elle s’est réveillée elle veut sa dose.
Oui, j’arrive! T’inquiètes pas, tu vas l’avoir ton gin.
C’est la seule chose qui fait que je sois importante à tes yeux. Ta dose.
Je me rappelle le jour où il est parti.
Il était assis dans l’entrée sur le banc en bois. Sa valise à ses pieds.
Il m’a regardé, ne m’a pas parlé.
Il s’est levé, m’a caressé la tête comme pour me souhaiter du courage et a refermé la porte derrière lui.
J’ai écouté son pas longtemps dans l’escalier. Son pas lourd.
Espérant qu’il revienne, qu’il me dise « viens, je ne peux pas te laisser, tu ne dois pas subir ça. Viens, je te protégerai, on sera ensemble, on sera plus fort. De toutes façons on ne peut pas l’aider, elle est déjà foutu, déjà morte. Ce qui l’a maintient en vie c’est sa fiole qui une fois ingurgitée l’endors. »
Oui! J’arrive, arrête de gueuler.
Je me lève. Je regarde un moment l’arbre de la cour. Je l’ai toujours bien aimé cet arbre.
Il m’apaise, me rassure, me donne de la stabilité, de la force.
Je monte l’escalier le plus lentement possible regardant ma main sur la rampe en bois, comptant les marches comme je le fais à chaque fois. Me disant que peut être un jour quand j’arriverai en haut ce sera finit. Je ne l’entendrai plus gueuler, je ne l’a verrai plus tituber, elle sera morte étouffée par son vomi.
En manque.
Je me souviens de ma douleur.
Je me souviens de ma souffrance.
Je me souviens de ma croyance.
Je me souviens de tout.
Je ne me souviens de rien.
De mon corps brisé, de ma tête malade.
De mon manque de toi.
De ma peur, de mon déséquilibre.
Je renifle partout.
Je cherche mais ne trouve pas.
La seule chose qui me vient ce sont des souvenirs.
Mais on ne vit pas sur des souvenirs.
Je cherche.
Je lèche les murs.
Je me cogne.
Je tombe et me relève.
J’aimerai pouvoir crier mais je n’ai plus de voix.
Je n’ai plus rien, j’ai tout perdu.
Mes sens sont sans dessus dessous.
Telle une toxico je veux ma dose.
Mais tu veux plus dealer.
Sevrage radical.
Je cherche.
Mon corps est douloureux.
Je suis la paroi comme on suit la ligne blanche.
Je cherche.
Je te cherche.
Mais tu n’es plus là.
Je suis perdue.
Seul
Je suis seul.
Clown triste dans une lumière crue.
Ballotté par la vie. Pantin influençable.
Je me regarde dans ce miroir, seule fenêtre dans cette chambre froide.
L’image qu’il me renvoie est floue, comme mes souvenirs.
Souvenirs d’une jeunesse interrompue par un éclat de vie.
Je suis seul et j’ai peur.
Peur de me rappeler.
Et pourtant ça cogne, ça tape dans ma tête.
C’est chaud, c’est rouge.
Je me retire dans un coin de cette pièce aux murs défraîchis.
Je me retire derrière ces barrières de folies qui m’évoquent des étagères vides.
Pieds et mains liés, ma seule liberté serait la pensée.
Je suis seul.
Ma vie, je le sais, je l’avais rêvé.
Tant de fois imaginée.
Comme un slogan publicitaire.
Tout était parfait.
Je suis seul alors que nous aurions pu être deux.
Silence criant, peinture violente.
Elle, si belle.
Je l’a voulais.
Je l’a désirais.
Je faisais profil bas, écoutant d’un regard appuyé son oreille distraite.
Ampoule grillée, plafond cloqué.
Je me sens humide.
J’ai peur.
Si seulement elle m’avait écouté. Je lui aurais murmuré. Je n’aurais pas crié.
Je voulais juste que mes lignes croisent ses courbes.
Merde. Je me suis pissé dessus.
Il faudrait qu’ils me changent.
Mort vivant dans un rêve. Je vais m’éveiller tu seras là.
Je suis seul.
Je me déplace.
Danseur dégingandé, je me cogne contre les murs capitonnés.
Mon corps est meurtri.
Ma tête est malade.
Regard horizontal sur une peur véritable.
Je suis seul.
Je te revois allongée sur ce lit.
Tu es belle à en crier, belle à en crever.
Maison close.
Passage verrouillé.
Silence criant, peinture violente.
Je veux juste t’aimer.
Tel un manteau réchauffer ton corps échaudé.
Tu es belle dans ce t-shirt souillé, l’empreinte de mes doigts sur ton décolleté.
Je suis seul .
Ne crie pas.
Je respire les murs pour trouver ton odeur.
Les yeux me piquent.
Je voudrais dormir mais je n’y arrive pas.
Tu es là. Tu ne bouges pas.
Mariage forcé d’une liaison fatale.
Ne bouge pas. Reste là.
Prends ma main. Viens te dis-je.
N’aie pas peur.
Viens.
Pourquoi ce regard ?
Arrête. On dirait que tu m’en veux .
De quoi ?
De t’aimer ?
De vouloir te protéger ?
Allons ferme tes yeux.
Cesse de me fixer avec ce regard vide.
Là, je te les ferme, ça va aller.
Tu es belle.
N’aie pas peur, je suis là.
Détends toi, tu es toute crispée.
Nous sommes ensemble à jamais.