Edith Roux Euroland

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J’avais dix ans, la voiture de mon père fenêtres grandes ouvertes s’arrête sur le chemin longeant la cité rose, notre futur lieu de vie.
Fuir ces immeubles monochromes, cet alignement cage à lapins, ne plus voir ces grues. Hop ! sauter par la fenêtre et courir à perte haleine pour se cacher dans ces herbes folles.

Pour trois francs six sous, devoir faire un projet d’architecture en temps de crise. Je me présentai à ce concours en 2008. Rien de plus simple, deux parallélépipèdes en tôle ondulée y inclure deux ouvertures en forme de verrière low cost, et surtout pour impressionner le jury, ne pas oublier en avant-plan une grande prairie fleurie avec un signe de votre avant-gardisme un panneau signalétique complètement inutile à la Marcel Duchamp, appeler ce projet « QUELLE » en sous-entendant quelle est la question ?

Comme c’est moche de ne pas vivre à la mer. N’avoir comme horizon qu’une grande prairie d’herbes brûlées, ce qui ne fait pas une plage de sable fin. Même pas un euro pour se payer un coca au Mac Do d’à côté, moi et ma petite copine tous les deux enlacés sur le sol caillouteux, et nous nous embrassions toute l’après -midi sur la bouche en apnée d’eaux profondes que nous nous imaginions sur ce terrain vague de la zone commerciale.

Sur le bas-côté de l’autoroute Salonique Athènes,deux hommes en guenilles semblent êtres assoupis côte à côte dans les herbes folles. Je rengaine mon colt, deux taches rouges sur leur poitrine, des centaines de coquelicots les entourent, tout est vide autour d’eux. La montagne toute proche aurait pu se refermer sur eux en un cercueil bucolique, si on avait su dégager ce foutu panneau merdique d’indication d’itinéraire en aluminium.

J’ai rêvé d’être tout petit, pas plus haut qu’un brin d’herbe un soir de Noël. Elles étaient de toutes les couleurs ces grandes grues qui m’entouraient, mais demain matin au réveil, le père Noël aura une fois encore mangé un bout du croissant que je lui avais laissé, sans m’avoir apporté le Mécano que je désirai.

Mon amour, je me sens si seule dans ce terrain vague et si aride, oserai-je franchir le mur qui enferme ta cité pour te rencontrer.

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