LES DÉPOSSÉDÉS

photo d"Edith RouxLes dépossédés 2010 – 2011 PHOTO D’EDITH ROUX

Quelque part, comme sur une avant scène jonchée de débris, de briques, de morceaux de faïence et de stuc, une scène d’un théâtre irréel.
Quelqu’un est là, elle se tient droite face à nous, buste relevé, yeux interrogateurs, sa robe imprimée, légèrement transparente résonne avec le dénuement de sa gorge.
Quelque part dans une zone d’une dense habitation de bâtiments quasiment monochromes, tous identiques, vide, aucune trace humaine.
Quelqu’un cet homme planté là, se souvient d’elle lui l’architecte de cet immonde environnement.
Quelque part dans une maison éboulée, fatras de briques, de pailles, de boiseries, plâtre, marbre et béton. Quelqu’un, celui-là, un homme âgé, seul au monde essaie de retraverser son passé, les écritures de graffiti l’aideront peu, son long manteau, sa chemise blanche et propre, ses mains usées, ses chaussures usées, son collier de barbe bien rasée, ses yeux bridés soulignant ses oreilles décollées, mais il ne voit plus rien et n’entend plus rien, il ne peut qu’à peine respirer la poussière qui l’entoure.
Quelque part dans une rue déserte, tête baissée, épaules voûtées, quelqu’un, l’architecte peut-être ne respire que très peu lui aussi. Il semble en confession, en repentance, face à un monde meilleur, soi-disant meilleur dont il a eu la charge de bâtir. Son manque d’oxygène lui provoque un vide dans la tête à la mesure du vide qui l’entoure. Qu’aurait-il pu faire? Qu’aurait-il du faire ? Résister comme cette autre femme quelque part dans le reste d’un décor chimérique, anachronique, un face à face avec ces barrières de béton, une image arrêtée.
Elle est figée, quelqu’un, autre part l’est autant, un pied, en avant, une main dans la poche, l’autre tendu sur les plis du pantalon de son costume gris. Il pense pouvoir se tenir debout, mais il est écrasé par cette architecture hors de toute dimension humaine.Il est comme devant une grande béance, une porte possible ou impossible vers l’horizon, il devrait faire face à son destin, mais il n’ose pas se retourner, il reste là debout comme un fusillé accablé des balles du temps qui passe.
Philippe

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